mardi 17 juin 2008

« Non » irlandais : Nouveau signe d'incompréhension entre citoyens et responsables politiques

En votant « non » au traité de Lisbonne, les Irlandais refusent, comme les Français et les Nééerlandais avant eux, de doter l'Union européenne de représentants politiques capables de parler au nom des Européens et de peser de tout leur poids lors de discussions bilatérales avec les Etats-Unis ou la Chine, ou encore multilatérales au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce.

C'est en effet le rôle qu'auraient joué le Président du Conseil européen et le Ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, que cette constitution européenne une fois de plus rejetée permettait respectivement d'élire et de créer.

Par leur « non », les Irlandais refusent aussi de renforcer le pouvoir législatif et budgétaire du Parlement européen, seule instance de l'Union européenne dont les membres sont élus au suffrage universel direct par l'ensemble des citoyens européens.

Enfin, ils refusent que certaines décisions importantes puissent être adoptées selon le principe novateur de la double-majorité (55% des Etats représenant 65% de la population) plutôt que les principes actuels d'unanimité, propice au blocage complet par un seul des 27 Etats membres, et de « majorité qualifiée », donnant un poids important aux Etats fortement peuplés et un poids moindre aux Etats tels que... l'Irlande.

Mais, les citoyens irlandais ont-ils vraiment voté en connaissant ces apports politiques, démocratiques et pragmatiques ?

Qu'ont-ils voulu dire à travers leur vote ? Est-ce le refus de la « technocratie » ? D'un système globalisé qui, comme les citoyens des autres pays d'Europe, leur échappe ? D'une Europe politiquement impuissante, voire sans volonté, concentrée sur les seuls échanges économiques et monétaires ?

Savent-ils que la principale instance de décision de l'Union européenne est le Conseil des Ministres, composé des Ministres des pays membres, donc de leurs propres Ministres ?

Je ne peux évidemment pas en juger. Je n'ai pas suivi de près la campagne qui s'est déroulée pour ce référendum. Ce que je sais en revanche, c'est que, lors du vote français en 2005, les informations, les débats et interventions télévisées n'ont quasiment pas porté sur ces points.

Alors qu'une forte médiatisation a bel et bien eu lieu autour de cette Constitution européenne, je défie quiqonque de savoir comment fonctionnent les institutions européennes. Tout comme je défie quiquonque de savoir ce que font et votent nos Ministres au sein du Conseil des Ministres de l'Union européenne, si tant est qu'ils y soient assidus...

C'est pourquoi je ne vois pas les « non » français, néérlandais et maintenant irlandais comme une opposition à l'idée européenne ou à sa construction, mais comme le signe supplémentaire d'un certain fossé entre les citoyens et leurs dirigeants politiques.

Le projet européen est né de la volonté de bâtir à l'échelle de notre continent les moyens de garantir une paix durable. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, chacun a pu comprendre et se sentir touché par cet objectif. Aujourd'hui, l'Europe économique et monétaire paraît bien matérialiste ; « l'Europe sociale » relève du slogan ; l'Europe politique demeure abstraite et imprécise.

Qu'attendons-nous donc pour véhiculer des messages clairs sur l'Europe ?

Pour en expliquer le fonctionnement et les enjeux ? Pour les relier à la vie quotidienne et aux préoccupations de chacun ? Pour « vivre » l'Europe à l'école et imprégner les programmes scolaires de la culture européenne ? Après s'être préoccupé de l'Europe des nations et de l'Europe des institutions, il est temps de s'intéresser aussi à l'Europe des citoyens ...


Lionel LACASSAGNE