jeudi 22 janvier 2009

Libres acteurs

L'année 2008 a commencé par le scandale Kerviel et s'est terminée par le scandale Madoff. De bout en bout, cette année a mis en lumière la face cachée d'un système, sans âme ni sens, dévastateur et auto-destructeur, arrivant au bout de ses limites et de ses contradictions.

Ce système, que certains appellent le capitalisme financier, a pris une telle ampleur, se montre tellement dominant que nul ne le pensait aussi faillible. Et pourtant... L'histoire récente montre que sa principale réalité est au fond son côté superficiel ! Les marchés, si exigeants, si puissants, sont devenus des marchés de dupes !

Par exemple, dans les années 90, le fonds d'investissement LTCM est parvenu à engager 1400 milliards de dollars de contrats hors bilan aux quatre coins de la planète grâce à des instruments financiers permettant de gigantesques effets de levier. Son bilan n'affichait que 100 milliards de dollars, et ses fonds propres ne s'élevaient qu'à... 5 milliards de dollars. En 1998, lorsque la Russie, impactée par la crise asiatique de 1997, a rendu LTCM insolvable par ses défauts de paiements, il s'est ensuivi un effet en cascade qui a provoqué une importante crise financière. Ce sont en tout cas des milliards de dollars bien réels que les autorités financières américaines ont décidé d'injecter pour sauver, déjà, un système bancaire menacé et, avec lui, quelques spéculateurs coupables et irresponsables.

De même, en 2001, la découverte des comptes truqués d'Enron a provoqué une crise dont les conséquences sur les épargnants, les entreprises et les citoyens ont été bien réels. Dans les années 2000, au lieu de tirer les leçons de l'expérience LTCM, un certain nombre de produits et instruments financiers ont été inventés pour augmenter davantage encore les effets de levier, et pour se débarrasser des risques qu'ils génèrent. Ainsi en est-il des CDS (credit default swap) : ces contrats d'assurance non réglementés garantissent à une personne d'être payée même si une institution financière ou un instrument financer fait défaut. Or, à y regarder de près, cette garantie semble artificielle. En effet, l'absence de réglementation à son égard génère des risques énormes de défaut de paiement. C'est précisément ce qui est arrivé à Bear Stearns et AIG, deux émetteurs de CDS sauvés de la faillite en 2008 par l'intervention publique.

Les banques ont inventé des techniques et des titres spécifiques pour vendre à d'autres leurs actifs à risque et les faire disparaître de leur bilan. Ces techniques sont tout à fait légales, mais je les trouve malhonnêtes et profondément choquantes. Qu'est devenu l'objet social de ces organismes censés exister pour apporter un service à des entreprises, des particuliers ou des Etats ? En raison du sauvetage obligatoire et systématique du système bancaire pour éviter de reproduire les erreurs de 1929, les dérives scandaleuses et irresponsables d'acteurs qui semblent guidés par la seule cupidité se retrouvent globalement impunies.

La titrisation permanente de tout et n'importe quoi (par exemple des subprimes et autres créances douteuses...), qui génère des frais bancaires rémunérateurs pour les acteurs de la finance, et qui échappent, par son opacité et sa complexité, au contrôle et à la vigilance de clients acheteurs et même d'organismes d'évaluation telles que les agences de notation, devient insupportable. Cette activité est gigantesque en volume.

A titre d'exemple, les CDS ont un encours actuellement estimé à 45 000 milliards de dollars après avoir atteint un pic de 70 000 millirads de dollars (c'est-à-dire davantage que le PIB mondial...!). Mais, franchement, quel service réel apporte-t-elle à la société ? Bien sûr, un minimum de titres et produits financiers sont nécessaires à l'épargne et à la gestion des risques. Reconnaissons que les volumes et pratiques dérits ci-dessus ne concernent pas ce service minimum utile. Pire, ils déstabilisent fortement la société par les crises régulières et brutales qu'ils provoquent.

Mais le virtuel ne touche pas que la shère financière. Une autre dérive est en train de se produire sous nos yeux, engagée cette fois par des dirigeants politiques aveuglés par des certitudes, des habitudes ou des réflexes qui les éloignent de toute prise de recul. Je veux parler de l'artifice de la dette publique, utilisé pour trouver subitement les milliards d'euros ou de dollars dont on a besoin. Ne nous leurrons pas : ces milliards virtuels d'aujoud'hui seront des milliards bien réels à rembourser demain. Tôt ou tard, les contraintes réelles finissent par nous rattraper.

Il existe un proverbe disant "qu'un homme averti en vaut deux". Etant de nature optimiste, animé de surcroît par la foi en l'Homme, mon propos n'est pas de sombrer dans le catastrophisme (déjà ambiant et omni-présent !), mais d'appeler à la vigilance et à la prise de recul, en vue de renforcer un message d'espoir. Quand on parle de "système", il s'agit en fait d'un ensemble de règles, de fonctionnement et de priorités que l'homme s'impose à lui-même. Ainsi, il n'a tenu qu'à lui de favoriser cette titrisation absurde et dévastatrice décrite plus haut, et il ne tient qu'à lui d'y mettre fin.

Il est grand temps que les dirigeants politiques jouent leur rôle et prennent leurs responsabilités en mettant en place un nouveau "système". Mais, la soif de pouvoir (et la volonté, en France, de conserver ses mandats le plus longtemps possible...) les incite à proposer ce que les électeurs ont envie d'entendre. Les plus manipulateurs jouent même sur les sentiments de peur ou exacerbent les intérêts individuels au détriment des intérêts collectifs. Ils devraient au contraire proposer un chemin de progrès à long terme pour la société.

Il est donc grand temps que les citoyens se réveillent et expriment par eux-mêmes de nouvelles attentes : celles d'un monde organisé selon des principes de « réalité simple » plutôt que de « virtualité sophistiquée », selon des valeurs humaines et sociales plutôt que des valeurs matérielles et d'intérêt, et selon des choix libres et assumés plutôt que des non-choix faussement subis.

Un peu de recul et une prise de conscience « active » s'imposent. Cela vaut pour la finance et la gestion des deniers publics, dont nous venons d'évoquer respectivement les excès et la déraison. Cela vaut tout aussi bien pour d'autre sujets. Par exemple, la tentation protectionniste et du « chacun pour soi » qui s'instaure sous prétexte de régler la crise économique. Ou encore, la mise en place d'une politique autoritaire et même de guerre, sujette à certaines dérives à l'égard de la démocratie et des Droits de l'Homme, au nom de la lutte contre le terrorisme et contre l'insécurité en général.

Ce sont cette vigilance et cette lucidité qui feront de nous de libres acteurs de nos vie. Ce sont cette vigilance et cette lucidité que je nous souhaite à tous de bien entretenir durant cette année 2009.


Lionel Lacassagne

mercredi 21 janvier 2009

Ensemble !

Nous empruntons ce titre au dernier n° 2008 de TELERAMA. Il ne s’agit pas de faire ici la promotion de « TRA » qui fait montre bien souvent à notre goût de partialité voire d’élitisme, mais la lecture de ce numéro spécial permet de bien lancer 2009.

Nous relevons en effet, parmi les différents articles qui illustrent « ENSEMBLE », un petit coup de projecteur sur la Commune de Paris. On apprend ainsi, ou on réapprend, qu’en 72 jours certains fondamentaux de ce qu’est une vraie démocratie ont été mis en application.

Jugez-en : « un élu responsable de ses actes devant la population et révocable si il ne tient pas ses engagements électoraux ». Pour LIBR’ACTEURS nous sommes au cœur de la problématique, car une simple mise en application de ce sage précepte a tous les échelons représentatifs libérerait l’espace politique.

C’est en effet tout l’enjeu pour demain. Il faut mettre l’élu face au citoyen et a l’engagement qu’il a pris vis-à-vis de lui. A bien y regarder, dans de nombreux domaines, le citoyen n’est pas directement partie prenante. Dés lors il est permis de penser qu’il est objectif, qu’il exerce son libre-arbitre et sue du plus grand dénominateur commun sortira une résultante bonne pour le plus grand nombre.

Le mandat confié ne doit donc pas être mutilé par des positions partisanes et « godillottes », ou par des reniements d’engagements et de convictions. Cette approche porte en elle la fin des partis ou des syndicats a la française, l’abrogation du cumul de certains mandats et le statut d’un candidat, élu responsable. Partis et syndicats sont en effet les instruments premiers d’intérêts catégoriels et corporatistes, et nous pensons que la démarche associative, et son modèle économique est de loin préférable.

Trancher entre des intérêts particuliers est réducteur et nuit a l’intérêt général. Il faut donc essayer de repartir de la base démocratique, et de son unité de valeur : le citoyen. Celui-ci donne un mandat clair et précis, limité dans l’espace et le temps, a un autre citoyen qui lui rendra compte.

Il n’est nul besoin d’inventer d’autres modèles, il suffit d’appliquer l’essence de celui qui reste sans doute le meilleur, d’autant que les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC), aux différents échelons décisionnels territoriaux sont des instruments nouveaux et de plus en plus performants.


Richard HASSELMANN


Illustration
Honoré DAUMIER