mercredi 31 octobre 2012

Compétitivité, vous avez dit compétitivité ?

Est-ce le miracle de la technologie ? Après le projet de loi sur le logement social dont le «"risque d'annulation » était «anticipé partout depuis plusieurs jours, notamment dans la presse », c’est au tour du rapport GALLOIS qui devrait être remis au Président de la République le 5 novembre prochain de faire l’objet de commentaires et de fuites diverses. On prête à l’ancien patron d’ EADS l’intention de plaider pour un choc de compétitivité , ce qui a fait dire au Chef de l’État qu’il « n'engage que son auteur » puis voyant le choc de popularité qui pourrait en découler, fait rectifier par son premier ministre : "Il va être utile, ce sera une contribution supplémentaire au travail que font les membres du gouvernement".

Parce que là nous touchons au Saint Graal de la gauche, compétitivité, économie et entreprises, des mots avec lesquels elle a du mal à vivre. Et ça vient de loin : « Et ils ont aussi dit non à une certaine manière de gérer leur pays. Non au langage des chiffres, qui avait balayé tout accent d'humanité. Non à la déshumanisation du travail présentée comme un mal inévitable » déclarait Pierre MAUROY au mois de juillet 1981 dans son Discours de politique générale devant les députés nouvellement élus.
Des rumeurs persistantes affirment que l’auteur de ce rapport préconiserait sinon la disparition au moins un assouplissement des 35 heures, autre icône qui repose bien en vue dans l’armoire des trophées. Il y a quelques mois, le remuant ministre de l’Intérieur Manuel VALLS, ça doit être le poste qui veut ça, déclarait à ses amis que la gauche « devra déverrouiller les 35 heures » et la patronne du PS était Martine AUBRY !

Ce gouvernement n’a droit à aucun répit, parce qu’après les « pigeons », c’est au tour des dirigeants des 98 plus importantes entreprises françaises de s’adresser par l’intermédiaire du JDD au Président de la République et de lui administrer une leçon d’économie : « L'État doit réaliser 60 milliards d'euros d'économies (3 points de PIB) au cours des cinq prochaines années. Pour les entreprises, il faut baisser le coût du travail d'au moins 30 milliards d'euros sur deux ans...», ils lui glissent au passage : « Il faut se donner les moyens d'explorer et d'exploiter nos ressources nationales comme les gaz de schiste. » et ils terminent leur courrier par un vibrant message patriotique : « Nous avons besoin de tous les entrepreneurs, créateurs, managers et investisseurs. Cessons d'opposer PME et grandes entreprises. Nous, dirigeants des plus grandes entreprises françaises, nous nous sentons profondément attachés à notre pays. »

Vous l’avez compris, le piège est mortel pour nos gouvernants : ou ils se mettent les électeurs à dos en donnant suite aux exigences des entreprises et en revenant sur leurs engagements ou ils persistent et signent l’arrêt de mort de la machine économique et Dieu seul sait ce qui peut arriver.

S’il est des domaines où la gauche est plus à l’aise, c’est sur les belles intentions : » «Il est des symboles dont l'impact sur la cohésion sociale est bien plus important que les quelques milliards du budget de l'État» a déclaré Benoit HAMON en parlant de la promesse du candidat HOLLANDE de faire voter une loi sur le droit de vote des étrangers non communautaires, mais cela c’est une autre histoire dont nous aurons l’occasion de parler dans LIBR’ACTEURS.

Bernard MALAGUTI

Crédit Photo : © Reuters

2 commentaires:

  1. Vous montrez bien que la pratique du pouvoir est très différente de l'acquisition du pouvoir, et que les arbitrages à faire imposent à l'évidence de sortir des discours de communication électorale à connotation nécessairement dogmatiques. Je suis en parfait accord avec ce constat, et comme vous, j'espère que Hollande saura se libérer des dogmes d'une partie de son camp.

    LA vraie question est celle du modèle économique et social de demain. Dans sa campagne, Hollande n'a fait qu'une abstraite esquisse d'un tel modèle (esquisse qui est séduisante)... maintenant, il faut préciser tous les traits et toutes les couleurs... et c'est là que les difficultés commencent.

    Rien ne doit être taboo. Mais il faut faire la part des choses entre ce qui est essentiel pour l'avenir, et ce qui l'est moins. Le pb de Hollande aujourd'hui, c'est qu'il ne travaille pas à préciser sa vision d'avenir, et qu'il s'enferme dans le conservatisme prospectif, sur des sujets qui sont objectivement annexes (ce qui ne veut pas dire pas importants) : 35 heures, compétitivité coût, banque publique d'investissement...

    Ce dont on a besoin c'est de savoir : qui seront les acteurs de l'économie de demain ? Quels moyens leur accorder ? Quelles règles de fonctionnement sur le Marché ? Quel Etat providence, et quels partenaires privés (ESS ?) ?

    Bref, la question est moins de savoir comment colmater les brêches en pleine tempête (a la limite, on sait faire), que de savoir quelle direction l'on prend pour sortir de la tempête... et ca, hélas, cela reste encore trop flou

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  2. Benoit, je tiens d’abord à vous remercier de votre réponse. La courtoisie est une qualité essentielle du dialogue qui contribue largement à concilier des positions qui paraissent au départ figées.

    La réussite d’une politique de redressement, quel qu’en soit l’initiateur, passe :

    par l’amélioration des parcours de formation, que ce soit une plus grande adéquation entre l’enseignement et le marché du travail, que ce soit le développement de l’alternance et de l’orientation au choix comme ça se fait au Canada (l’EN ne peut pas faire l’économie d’une révolution culturelle et doit accepter que sa priorité absolue est de former des jeunes employables et non pas de beaux esprits qui coutent 12 000€/ an pour le secondaire, 10 000€/an pour l’enseignement supérieur, Richard et Colette travaillent ensemble sur ce sujet).

    par une vision pragmatique de l’évaluation des politiques publiques et de leur rentabilité, par la mise en place d’outils de reporting , par des bilans de compétence y compris dans l’enseignement (on ne peut plus tolérer que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification et que la seule excuse invoquée soit le manque de moyens ) , il est totalement illogique de parler de compétitivité de nos entreprises et d’éluder le cout et la rentabilité de notre administration.

    par une révision branche par branche des horaires et conditions de travail, les 35 heures ne devant plus avoir caractère de symbole, l’âge de la retraite non plus. On ne peut comparer un ouvrier à la chaine et un employé d’ERDF et pourtant c’est le second qui part le plus tôt à la retraite avec une pension payée en partie par le consommateur (il faudra bien un jour parler des régimes spéciaux qui concernent 500 000 personnes et coutent 5,7 milliards€/an au contribuable alors qu’on veut ponctionner pour 2013 5 milliards€ sur les autres retraites). Rendons justice sur ce point au gouvernement de remonter la TVA sur la restauration, parce que les engagements n’ont pas été tenus par les professionnels du secteur, il y a probablement d’autres cas, notamment pour ce qui concerne les C.I.R. qui profitent largement aux grandes entreprises.

    … et je pourrais continuer.

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