mercredi 30 décembre 2015

Libéralisme et socialisme: pourquoi Macron et Fekl ont tous les deux raison!

LIBR'ACTEURS compte en ses rangs des expertises, dans les différents domaines qu'il importe de visiter.
Vous trouverez ici une analyse qui mérite attention et débats.

Deux membres du gouvernement viennent d'exprimer leurs divergences idéologiques profondes. Pour Emmanuel Macron, il «  assume d'être libéral et rappelle qu’historiquement le libéralisme était une valeur de gauche ». Pour Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, « non seulement le libéralisme n'est pas de gauche mais il est même incompatible avec une certaine conception de l'intérêt général ». Sensé défendre la même politique, comment peut-on expliquer une vision opposée des valeurs de gauche ? D'apparence anecdotique, cette opposition révèle une fracture idéologique au sein de la gauche française qui l’empêche de réformer le pays.

Des divergences fondamentales entre socialisme et libéralisme

Alors que le libéralisme a un écho de plus en plus favorable auprès de l'opinion publique à en croire les sondages, il reste un repoussoir pour une partie importante de l'échiquier politique français. Que contient-il précisément? Si chacune des trois pensées politiques dominantes (socialisme, conservatisme et libéralisme) acceptent l'idée qu'un ordre sous-tende la société, l'origine de cet ordre diffère radicalement entre elles. Alors que l'ordre des socialistes est rationnel, celui des conservateurs est organique, celui des libéraux est spontané et s'appuie sur le principe de la coordination des actions individuelles. Les opposants au libéralisme dénient cet aspect essentiel qu'est la nécessité d'une coordination décentralisée  entre les actions individuelles. Ce n'est ni l'anarchie, ni le chacun pour soi. Les deux autres piliers du libéralisme sont le respect des droits individuels, dont les droits de propriété, et l'attachement à l'état de droit. Le philosophe anglais, John Locke (XVIIème siècle) a le premier défini ce triptyque libéral en considérant qu'un homme est libre si sa vie, sa liberté et sa sécurité sont garanties.

La pensée socialiste est incompatible avec ces points fondamentaux. Le socialisme n'accepte pas la propriété privée et la possibilité pour un individu d'agir de façon autonome. La sphère d'autonomie individuelle ne peut être issue que d'une délégation accordée par la société. Les socialistes estiment que les individus ont des droits que seule la société leur accorde, c'est elle qui les distribue. Ils rejoignent sur ce point les philosophes grecs qui considéraient que les droits ne puissent naître que de la cité. Pourtant, si le rôle de la société est de faire reconnaître ces droits, ces droits individuels pre-existaient. Quant à l'ordre rationnel, les socialistes s'appuient sur l'idée platonicienne d'une société parfaite, bien organisée. C'est l'idée utopiste de la recherche de l'idéal et de la pureté pour la société du futur. Les socialistes sont des architectes qui détiennent les plans de la Cité. En France, cela a donné le scientisme et l'industrialisme saint-simonien, fondements du socialisme élitiste dans lequel une minorité éclairée guide, décide et agit à la place du bon peuple. C'est exactement l'inverse de l'ordre spontané, qui prend les hommes tels qu'ils sont et non pas tels qu'on voudrait qu'ils fussent.

Des valeurs humanistes du libéralisme récupérées par les socialistes

C'est probablement Adam Smith, dans sa théorie de sentiments moraux qui a le premier exprimé les valeurs humanistes de la pensée libérale. Il évoque le sentiment d'empathie à la base de l'échange, lui-même moteur de l'économie. Une société étatiste et collectiviste ne sert en réalité pas l'intérêt commun mais davantage des intérêts catégoriels. Le bien commun se retrouve dans l'échange, qui oblige à se mettre à la place de l'autre, mais pas seulement dans l'ordre marchand. L’État n'a pas le monopole de la solidarité et des services d'entraide. La solidarité décentralisée au sein des associations, des clubs, des lieux de culte a largement démontré son efficacité sociale et la valorisation individuelle qu'elle représente. La famille ne serait-elle pas le meilleur exemple de cette formidable capacité d'entraide spontanée de l'individu? Les socialistes déniant toute capacité de l'individu de redistribuer spontanément, ils ont la tentation de minimiser cette valeur familiale. Pour eux, la solidarité publique doit primer sur toutes les autres. Cette vision étatique quasi exclusive de la solidarité conduit pourtant à l'assistance et à l'abaissement de la condition humaine.
Quand la droite et la gauche s'évertuent depuis 30 ans à ne trouver comme remède à la montée de la précarité sociale que l'augmentation des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, la multiplication des lois et l'incantation de l'Etat providence, c'est une négation de ce que reconnaît le libéralisme dans l'homme. Associer la redistribution spontanée à celle de l'Etat, s'appuyer sur le développement de soi et les capacités individuelles sont des recettes libérales que la gauche socialiste ne peut pas considérer. C'est pourtant un moyen indispensable pour garantir la dignité de l'homme, y compris pour les plus défavorisés.

On ne s'étendra pas sur la vacuité de la dichotomie gauche-droite dans la France du XXIème siècle quand on voit le programme (national) socialiste proposer par l’extrême droite, le conservatisme des communistes et consorts, sans parler de la proposition de déchéance de nationalité d'un Président de gauche. Ces concepts ne sont plus que de la tactique politique pour conquérir le pouvoir, simuler le changement par des politiques dénués de toute conviction. En revanche, il existe un libéralisme de gauche dans les pays où la dissociation gauche-droite est encore signifiante comme dans les pays anglo-saxons. C'est le libéralisme social d'un John Rawls (dans sa théorie de la justice) qui fait du principe de liberté (égale pour tous) un principe supérieur à tous les autres pour réduire des inégalités, qui ne se justifient que si elles sont à l'avantage de chacun. C'est celui d'un Amartya Sen qui fait de la liberté positive, celle qui rend l'individu capable de développer au mieux ses capacités (notion de « capabilités »), le principal levier du progrès social. C'est celui d'un Tony Atkinson ou d'un Martin O'Neil qui voit dans la propriété privée, via une démocratie de propriétaires, non seulement le moyen de lutter contre la pauvreté mais celui du développement de soi de l'être humain pour le rendre capable de jouer pleinement son rôle de citoyen et de renforcer les vertus démocratiques (citoyenneté active).

Matthias Fekl, en pur produit du socialisme français dominant qui a peu évolué depuis le XIXème siècle, a raison de penser que le libéralisme est incompatible avec le socialisme. Emmanuel Macron, qui n'est pas socialiste, a aussi raison d'affirmer que le libéralisme peut être de gauche mais il représente une gauche ultra minoritaire en France. C’est pourtant cette gauche qui a réformé la plupart des pays développés ces vingt dernières années !

Frédéric BIZARD
Economiste
Sciences Po Paris

mardi 22 décembre 2015

COP 21, et après……… ?





 Nous avons assisté au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) à la présentation de la Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité (DUDH), avec les constats, les principes, les droits et les devoirs de chacun et de tous.

A la suite nous avons suivi et participé aux travaux de la COP21, au travers des colloques, des contributions, et surtout des échanges, au sein du milieu associatif notamment. 

Le rideau est tombé sur la COP21, qui a eu le mérite d’exister, et de permettre des photos qui entreront dans l’histoire, par le nombre des États représentés et la puissance de certains discours.

Cela est bel et bon mais il va falloir désormais veiller à ne pas laisser le soufflet retomber, car certains flous artistiques me laissent dubitatif. Il en va ainsi du voile pudique jeté sur les causes du réchauffement. J’invite les curieux à lire les 29 articles constitutifs de l’accord, à aucun moment ne sont pointés, l’agriculture intensive ou l’élevage industriel, pas plus que les transports aérien ou maritime, et encore moins les énergies fossiles.

Ce catalogue truffé de symboles et d’intentions louables, recèle trop d’imprécisions pour signer un chèque en blanc à cette connivence planétaire.

Nous travaillons depuis des années sur la CONSCIENCE DE LA TERRE et nous aurions aimé voir lister les vraies énergies renouvelables, et dans le prolongement de la DUDH, développer la notion de « bien commun ».

Il reste que certaines contributions, certaines déclarations, ont fait émerger des évidences jusque-là évitées.
Il en est ainsi de l’ATMOSPHERE, cette alchimie précieuse qui porte le CO2. C’est un bien commun, comme l’eau, l’air, la terre ou le soleil, et peut être le tout premier d’entre eux. Dès lors, toute atteinte à cette atmosphère doit être puissamment identifiée et sanctionnée.

Cet éclairage n’est pas neutre, car il interroge à la fois la question d’un prix du carbone, la gestion des énergies fossiles (en réserves ou dans des déchets) et la lucidité qu’il va falloir déployer, dans notre transition énergétique, pour arriver à un mix compatible avec les disparités géopolitiques.

S’agissant du prix du carbone, il ne faut pas rêver, la mesure par les produits, ou la gestion de quotas, laisse trop de place à l’imprécision pour l’un à la fraude pour l’autre. Nous penchons dès lors pour une taxation dissuasive, quitte à l’atténuer par des mesures redistributives.

Pour ce qui est des énergies fossiles, nous avons entendu des observations frappées au coin du bon sens, du style : « compte tenu des réserves disponibles et à exploiter (charbon/pétrole-gaz/terres rares), l’arrêt ou la diminution drastique générerait des désordres économiques et monétaires dangereux tant l’importance des emplois et investissements liés sont nombreux.

Nous n’entendons pas ici épuiser le sujet, mais nous sommes persuadés d’une chose c’est que la facilité ne doit pas nous conduire à des solutions à court terme, là où c’est des modifications lourdes et structurelles qui sont indispensables, nous pensons en particulier à l’aménagement du territoire, au niveau de la dynamique des territoires pour rapprocher l’emploi, du logement, la production de la consommation, l’utilisation des terres avec lucidité, pour ne pas sacrifier des terres riches et fécondes, là ou des friches méritent d’être recyclées en priorité.

Oui l’innovation énergétique est une ardente obligation, et aucune piste ne peut être négligée, mais dans le même temps, il serait mal venu de supprimer le principe de précaution, dernière lubie d’un ancien Président de la République !

A suivre avec LIBR’ACTEURS et dans l’instant bonnes fêtes et bonne année !
R HASSELMANN

mercredi 9 décembre 2015

DISSOLUTION !



A l’issue de ce premier tour des élections régionales, et pour les citoyens lucides, une seule évidence : notre modèle démocratique est nécrosé !
En dépit de très nombreux signes avant-coureur, relevés depuis 2001, les partis politiques en place, ont continué à faire « comme si », accrochés qu’ils sont à leurs rentes de situation vivrières directes (les mandats rémunérés) et indirectes (le personnel d’appareil et de cabinet entretenu par le denier public). 

La récréation semble bien terminée, si l’on prend en compte abstention et bulletins blancs, véritable premier parti de France, et le score du FN, alimenté par toutes les peurs et les rejets d’une classe politique usée par les compromissions et les mensonges répétés. Il faut avoir entendu, hier soir, le porte-parole du gouvernement, ci-devant ministre de l’agriculture se livrer à des comptes d’apothicaire, pour conclure sans rire que le premier parti de France…c’est la gauche !!! Dans le même temps, un ancien Président de la République, uniquement préoccupé de son destin qu’il croit messianique, trouvait des raisons de rester droit dans ses bottes, à l’évidence trop larges pour ses petits pieds ! 

Face à cette situation, et à des sondages « sorties des urnes » qui révèlent que le vote est motivé par l’emploi, l’immigration, l’insécurité et le terrorisme ce qui revient à dire que l’immigration est mère de tous nos maux, il est urgent de changer la donne.

Un Président de la République et un gouvernement responsables s’honoreraient en proposant immédiatement un projet de loi, portant à minima, fin du cumul des mandats, cantonnement de la longévité politique et sans doute statut de l’élu.

A la suite d’une promulgation immédiate, le même Président « courageux » dissoudrait l’Assemblée Nationale, pour permettre l’avènement d’une autre représentation nationale, composée d’hommes et de femmes, issus du terrain, qui viendraient consacrer un « temps de vie » au collectif en sachant qu’ils n’y feront pas carrière.

Des Hommes et des femmes, sélectionnés dans chaque circonscription législative, non pas par des appareils politiques qui s’octroient le pouvoir de dire qui sera candidat et qui ne le sera pas, mais par des conventions citoyennes, tirées au sort.

Ces conventions citoyennes auraient en charge l’audition des impétrants, et sur la base de critères, choisis par elles, sélectionneraient la demie douzaine de candidats, dont la candidature serait soumise au scrutin effectif. Ce processus outre qu’il redonne la main, en proximité au citoyen, aurait l’immense mérite de faire émerger de nouvelles têtes, en adéquation avec les éventuels particularismes locaux. Les conventions citoyennes, composées de citoyens tirés au sort, mais issus d’un terroir donné, auraient à cœur au rang des critères requis, de lister des profils en adéquation avec la spécificité du territoire à représenter. 

Une Assemblée nationale ainsi recomposée, serait une véritable instance de missions, qui se déterminerait sur des majorités d’idées et de bon sens, éloignées des votes godillots et partisans. Dans le même temps et durant toute la durée du mandat confié, les Conventions Citoyennes auraient en charge la veille du respect des engagements et l’information des citoyens mandants. Elles seraient consultées durant les mandatures (Municipales, régionales, nationales) sur toute nouveauté qui n’était pas d’actualité lors de l’élection. Les associations, les citoyens investis, peuvent participer à une telle ambition.

Quitte à essayer quelque chose de nouveau, convenons qu’il vaudrait mieux une telle démarche qu’une fuite vers des rivages où l’exclusion et le populisme ne laissent rien augurer de bon.

R. Hasselmann

dimanche 6 décembre 2015

Lanceurs d'alertes !




 En cette fin d'année, l'actualité semble brouillée et bousculée par des élections régionales, une COP21 qui balbutie et un climat d'insécurité qui pose question sur notre Constitution.

Pourtant à bien y regarder, ces 3 aspects, ont un point commun et un commencement de réponse, dans une autre actualité, moins clinquante : la protection des lanceurs d'alerte ! 

Actualité, car la proposition de loi, préparée avec le concours actif et éclairé d'Anticor et de Transparency International, poursuit son bonhomme de chemin et doit être, à notre sens érigée en projet de loi et votée dans les meilleurs délais. 

En effet, le lanceur d'alerte, individuel ou collectif, est utile, en matière d'atteinte au cadre de vie et aux biens communs de l'humanité, et cela relève de la COP21. Il est également utile, pour pointer et signaler les dérives sectaires, de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, et cela concerne notre douloureuse actualité, sans qu'il soit besoin, dans la confusion, de toucher à notre loi fondamentale. 

Le lanceur d'alerte est enfin indispensable, en qualité de vigie de notre démocratie, pour stigmatiser les élus porteurs de mandats électifs qui oublient trop vite qu'ils ne sont que mandataires et non propriétaires ! 

Cela posé, il nous paraît donc indispensable, en cette matière, de faire montre d'ambition, le lanceur d'alerte, c'est tout citoyen qu'il soit salarié ou non, qui révèle un risque. Cette loi protectrice constitue un des éléments de la régénération de notre fonctionnement démocratique, qui doit rendre le citoyen acteur au sein de conventions citoyennes. 

La matière est d'importance et mérite qu'on s'y arrête, en veillant à ne pas confondre le lanceur d'alerte fondé et objectif, et le délateur zélé et revanchard. Cela nous conduit à penser que le lanceur d'alerte, s’il doit être protégé, voire indemnisé d'éventuels préjudices subis, ne doit pas être rémunéré pour son apport au collectif. 

C'est pourquoi nous nous élevons avec force contre la nouvelle sortie du ministre des Finances qui, dans le cadre du projet de loi anticorruption, verrait bien une petite disposition incluant... "une prime à la dénonciation fiscale". 

Pour avoir eu à connaître pendant près de 20 ans l'appétence du "voisin" pour la délation fiscale "anonyme", le lecteur comprendra que nous soyons attentifs à ne pas voir mélanger les genres. 

Richard Hasselmann