mercredi 16 mars 2016

Choisir son camp

Dans le cadre de la construction de son socle , LIBR'ACTEURS livre ici un autre axe de réflexion.


          Le mal être croissant de nos sociétés occidentales et matérialistes nous invite à explorer quelle dynamique nous permettrait de transcender notre état actuel.
Après avoir vécu les schémas rigides et dogmatiques des collectivismes/centralismes soviétiques ou occidentaux, nous passons par la « case » libérale, rationaliste et individualiste. Or beaucoup de citoyens sentent confusément que cette logique n’est pas durablement tenable.
Il y manque la dimension humaine, humaniste voire spirituelle, qui pour autant ne saurait faire à elle seule société dans un monde très avancé au plan scientifique et technologique qui requiert une certaine dose d’organisation.
Au plan politique, nous pouvons en déduire que trois conceptions s’affrontent ou s’affronteront :
  • Le modèle normatif et rigide, faussement protecteur, inefficace et inégalitaire, attentatoire aux libertés, promu par la gauche de la gauche et peut-être aussi par l’extrême droite, prêtes à en découdre tant par frilosité que par agressivité ;
  • Le modèle libéral, rationaliste et individualiste qui prévaut dans la gauche de gouvernement comme à droite en partant du principe qu’il est toujours possible de courir plus vite… et qui face à sa mise en cause croissante pourrait développer violences et agressivité pour sa survie ;
  • Le modèle qui n’a pas encore de nom, porté par des divers mouvements réellement indépendants, et qui n’existe à l’heure actuelle que sous forme de signaux plutôt faibles dans le paysage.
Si nous restons dans une logique matérialiste et rationaliste, modèle libéral et modèle collectiviste s’affrontent pour notre malheur. Sinon, nous devons sortir par le haut grâce à ce nouveau modèle qui reste à « décrire ».
Dit en d’autres termes nous devons inventer un vivre ensemble nouveau, moins matérialiste et plus humain, un nouveau « collectif » (cherchons le mot approprié) qui fait la part belle à l’individu et au lien social, qui développe un concept novateur, celui de « nouvelle solidarité-nouvelle responsabilité », restaurant ainsi la pertinence et la crédibilité de notre nouveau modèle social.
En contre-pied du politiquement correct, il s’agit de préserver le niveau des prélèvements obligatoires tout en revoyant leur usage, en particulier le « management » des acteurs publics (dont le rapprochement des statuts privé-public) et l’ensemble des aides sociales.
La France est mal en point. Pourtant les questions soulevées concernent toute l’Europe (menacée d’implosion) et même au-delà.
Si j’avais à formuler trois propositions elles seraient les suivantes :
  1. Faire le procès du « tout matérialiste » et imaginer/décrire un modèle « organisé » où la dimension humaine (voire spirituelle) et la solidarité vont de pair avec les responsabilités, la dignité et les régulations. Un modèle aux bénéfices suffisamment concrets pour que le plus grand nombre puisse s’y identifier.
  2. Consécutivement, mettre la question de l’emploi dans les priorités en combinant la réduction du temps de travail (le débat est indispensable sur cette question sensible et controversée), le rôle essentiel du « tiers secteur », l’écolonomie, le revenu de base et la lutte contre les inégalités (dont la fiscalité).
  3. Prendre attache avec nos « homologues » Européens car il faudra bien finir par changer cette Europe de plus en plus critiquée.
En finir avec l’illusion d’une croissance qui ne reviendra pas, avec une logique purement matérialiste, en prendre même le contre-pied, pour repenser solidarité et responsabilité finira, tôt ou tard et après de probables soubresauts, par offrir enfin de nouvelles pistes d’espérance. Il faut donc choisir clairement son camp.

J.L. VIRAT



dimanche 13 mars 2016

PLUS DE LIBERTE POUR PLUS DE JUSTICE

LIBR'ACTEURS entre dans une phase active pour pouvoir peser démocratiquement.
Nos adhérents, sympathisants et lecteurs attentifs trouveront ici une tribune signée, par l'un des nôtres,  qui donne les axes et la tonalité de notre démarche.





Et si les citoyens avaient aussi leur programme politique à défendre en 2017, le débat politique ne pourrait en être qu’enrichi. La complexité des sujets dans un monde de moins en moins prévisible pourrait rebuter a priori tout exercice prospectif individuel. Au contraire, c’est dans ces périodes où la réflexion participative est la plus précieuse. Voici ce qui nous semble être les enjeux essentiels pour la campagne de 2017.

L’émergence d’un nouveau monde

Notre pays a connu ces trente dernières années une évolution radicale de son environnement technologique, écologique et international. La révolution numérique transforme notre façon de vivre, notre façon de travailler mais aussi l’exercice du pouvoir. Le nouveau monde qui émerge est un monde en réseau où le pouvoir ne s’exerce plus verticalement, à partir d’une hiérarchie, mais horizontalement, au cœur d’un réseau. Cette évolution touche toutes les organisations de la société : Etat, entreprise, associations, famille. La détérioration de notre planète a atteint un niveau sans précédent, qui aura des conséquences dramatiques sur notre humanité si on ne réagit pas maintenant et à grande échelle. Le projet européen, de plus en plus flou pour les citoyens, et les nouveaux risques internationaux, qui menacent directement notre sécurité, sont des enjeux stratégiques qui vont perdurer au cours des prochaines années.
A ces défis s’ajoute le défi démographique: la France aura une population de plus de 70 millions d’habitants en 2050, et la part des plus de 60 ans représentera un tiers contre un cinquième de la population au début des années 2000. C’est dès maintenant que nous devons préparer notre société et notre système de protection sociale à cette nouvelle donne. Sur cet aspect aussi, nous n’avons pas anticipé et préparé l’avenir.

Face à l’émergence de ce nouveau monde, les pouvoirs publics ne sont pas restés inertes mais force est de constater que les réponses n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Le plus souvent conçue en réaction à des crises financières ou sociales, la politique de ces dernières années en France n’a visé qu’à faire survivre des modèles surannés d’organisations économiques et sociales. Nous n’avons pas construit l’avenir mais colmaté le passé. Nous n’avons pas préparé la France aux défis du nouveau monde.

La France paie au prix fort son impréparation à ce nouveau monde

Nous payons au prix fort l’absence de réformes structurelles ces dernières décennies. La crise de confiance touche toutes les composantes de la société et la rupture entre les gouvernants et les citoyens est à son comble. Malgré ses atouts exceptionnels, La France n’a plus confiance en elle. La crise de notre jeunesse illustre ce malaise profond dans notre société. Dans la génération des 18 à 30 ans, deux millions de personnes ne sont ni en formation, ni à l’école ni au travail. Cette génération est la plus touchée par le chômage et la précarité. Non seulement notre pays ne sait plus garantir un avenir prometteur à sa jeunesse mais il leur laisse un fardeau financier colossal avec plus de 2000 milliards de dettes publiques, dont 150 milliards d’euros de dettes sociales, moralement scandaleuses. La crise de confiance de la jeunesse de France est la marque de fabrique des politiques menées depuis 30 ans.

Pour être gagnant et largement partagé par nos concitoyens, un projet global de réforme en France doit s’articuler autour de deux valeurs fondamentales: la liberté et la justice. La liberté est au service de la justice mais il n’y a pas de justice sans liberté. C’est en créant des espaces de libertés plus étendus pour tous les citoyens que nous construirons une France plus juste. Il faut libérer les énergies créatrices de notre pays. Quelle que soit sa profession - artisan, commerçant, agriculteur, médecin, artiste, entrepreneur, ouvrier; quel que soit son statut - salarié, professionnel libéral, étudiant, retraité, chômeur en recherche d’emplois, mère de famille, membre d’une association -, notre idéal républicain fondé sur cette idée de liberté pour une France plus juste doit retrouver un sens et redevenir réalité. Ce n’est pas la liberté au bénéfice des plus forts mais la liberté au service de tous. Cette autonomie n’est pas un repli sur soi mais « un respect pour l’humanité » comme le disait Rousseau. Alors que la société industrielle avait quelque peu brisé cet élan humaniste et cette école de l’émancipation, la troisième révolution industrielle doit nous permettre de relancer cette vision humaniste et autonome.
Cette France libre et juste est la France d’Alexis de Tocqueville, dont l’idéal démocratique est garant d’égalité et de mobilité sociale; c’est la France de Jules Ferry avec la double quête de l’autorité de l’Etat et de l’autonomie de l’individu; c’est aussi la France de Charles Péguy et de sa cité harmonieuse qui protège l’individu de toute forme d’asservissement du singulier au collectif.

Quatre chantiers prioritaires pour réformer la France

L’Etat français est à repenser dans son organisation et son fonctionnement, à l’intérieur de notre territoire comme à l’étranger. Plus décentralisé, plus agile, plus connecté et plus mobile, l’Etat est à recentrer prioritairement sur ses fonctions régaliennes et ses rôles de stratège et de régulateur pour préserver l’intérêt général. Plutôt que de prôner plus ou moins d’Etat, c’est un Etat restructuré et adapté au nouveau monde qu’il nous faut. La vie politique est à régénérer en rapprochant la sphère politique de la société civile, grâce à des mandats politiques à renouvellement limité et un recrutement élargi des gouvernants au sein de la société civile. La politique ne doit pas être une profession ouverte uniquement à un clan mais une fonction accessible à tous les citoyens capables et désireux de l’exercer.

Notre système de protection sociale doit évoluer vers un système universel et individualisé plus juste et plus efficace. Notre Etat providence, créé dans un monde qui n’existe plus, est à adapter au nouveau monde en donnant à chaque citoyen la capacité de gérer ses risques sociaux avec autonomie et en adéquation avec sa situation personnelle. La sécurité sociale restera un pilier solidaire majeur de notre protection sociale et un socle de démocratie sociale dans le nouveau système. La démocratisation des savoirs doit renforcer nos systèmes de santé et d’éducation nationale, dans lesquels la recherche de « plus de liberté pour plus de justice » s’exprime pleinement. La sécurité en matière sociale s’obtiendra si nos systèmes sont capables de donner plus d’autonomie aux citoyens, une liberté de choix renforcée et une gestion plus décentralisée. Il ne s’agit plus seulement de réparer, de gérer les accidents sociaux mais de les prévenir, de les anticiper et ce tout au long de la vie des personnes.

Nos sociétés post-industrielles resteront prospères uniquement si nous créons un écosystème propice à l’innovation et si nous valorisons davantage le travail, la culture et le risque entrepreneurial. Nos concitoyens sont parmi les plus créatifs au monde, comme le montrent nos startups innovantes qui vont trop souvent se créer à l’étranger. Nous devons réformer notre marché du travail, pour le rendre plus flexible sans précariser, notre formation professionnelle pour l’intégrer dans le parcours de chacun, notre politique fiscale pour favoriser l’investissement et la création d’emploi. Il faut sortir de 30 ans de traitement social du chômage par une approche globale visant à développer les capacités de chacun en adéquation avec les métiers d’avenir. Nous vaincrons le chômage si nous rendons possible une vraie liberté de choix de son activité professionnelle et non un choix contraint, si nous sortons de cette funeste soi-disant préférence française pour le chômage que pour le travail.

Le défi écologique est de plus en plus pressant. Il faut réduire le contenu en carbone de la croissance et se montrer capable de se projeter dans le futur dès maintenant par des investissements ambitieux dans des infrastructures favorables à l’environnement et les énergies renouvelables. Cette transition écologique ne se gagnera qu’à l’échelle internationale mais la France, patrie des droits de l’homme, doit faire partie des leaders en la matière. Nous ne concevons pas de préserver notre planète avec une approche malthusienne, qui se traduirait par une régression de la qualité de vie et des libertés pour les prochaines générations. On peut faire de l’écologie une opportunité économique grâce aux innovations technologiques et un progrès social grâce à un environnement de vie de meilleure qualité pour tous.

Avec un projet centré sur la liberté et la justice, un grand plan Handicap afin de donner une place de premier choix à l’insertion et à l’épanouissement des personnes souffrant de handicap dans notre pays vient naturellement compléter ces quatre chantiers politiques. Alors que près de 2,5 millions de Français sont atteints d’un handicap reconnu administrativement et des millions d’autres sont affectés, notre pays doit faire beaucoup plus pour leur qualité de vie et celle de leur entourage. A la souffrance des familles dont un des membres est atteint d’un handicap lourd, notre pays n’offre souvent pas de solutions de placements dans un établissement spécialisé et oblige ces familles à aller en trouver une à l’étranger. Cela n’est pas acceptable et doit changer.
« Plus de liberté pour plus de justice » est un objectif que nous devons rendre réalité pour l’ensemble de nos concitoyens, sans exception !



Frédéric BIZARD