vendredi 21 décembre 2018

POLITIQUES PUBLIQUES.









« Ce que nous mesurons influence ce que nous faisons dés lors si nous ne mesurons pas ce qu’il faut, nous ne ferons pas ce qu’il convient de faire. » J STIGLITZ, parle d’or, et mérite qu’on s’interroge.

Au moment où, dans l’urgence, une volonté de renouveau démocratique est mise en musique, il paraît expédient et sage de bien situer les acteurs et les attentes. Il importe aussi de redire que la France, imbue de sa singularité auto -proclamée, est championne, pour simplement « faire du bruit avec la bouche ».
C’est en ce sens qu’une étude de FRANCE STRATEGIE, tombe au bon moment. Elle porte sur l’évaluation d’impact des politiques publiques de manière à alimenter le débat public….sur l’efficacité réelle des politiques mises en œuvre.

Lecture instructive au moment ou les projecteurs sont braqués sur le CNDP (Comité National du Débat Public), piloté par Chantal JOUANNO, chargé d’animer et de collationner la parole citoyenne, là où elle se trouve. Lecture instructive mais très inquiétante, quand on découvre que la France mesure et évalue beaucoup, par experts interposés, mais tire peu de leçons, par rapport à beaucoup de nos voisins.
Mieux, cette étude remet en lumière la DITP, Direction Interministérielle de la Transformation Publique, dont beaucoup de nos concitoyens ignorent l’existence.
Comme souvent évoqué prenant le risque d’être regardé comme donneur de leçons, il parait très utile une nouvelle fois de faire un peu de pédagogie.

Démocratie pas ci, démocratie par-là, il suffit de lire l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour trancher. « Les citoyens ont le droit de constater par eux même ou leurs représentants la nécessite de la contribution publique de la consentir librement et d’en suivre l’emploi… ».
D’en suivre l’emploi, tout est dit car c’est bien parce que le citoyen ne sait pas où passe sa contribution qu’il est de plus en plus rétif à l’accepter. Cette réalité met une nouvelle fois en lumière, une France sur-administrée girondine dans les mots mais toujours aussi jacobine dans les actes.

A ce stade, il est permis de poser une question, est-ce que la première des politiques publiques à mesurer, évaluer et probablement à largement améliorer, n’est ce pas la capacité de l’Etat a mettre en place, les règles et instruments, pour que les initiatives citoyennes individuelles et collectives, puissent prendre corps.
Cela passe à n’en pas douter par un élagage sans faiblesse des doublons administratifs et territoriaux, par une hiérarchisation des enjeux de politique publiques, à partir de l’écoute de la voix citoyenne.
A cet égard, il paraît évident que la santé publique et ses principaux déterminants devrait arriver en bon rang.

Restera enfin à ciseler le bon modèle économique et social, entre une administration étouffante et un capitalisme financier anonyme et prédateur. Nous continuons à penser avec d’autres, que le tiers secteur est la bonne réponse.

R HASSELMANN






vendredi 14 décembre 2018

CE QUI NOUS SEPARE.






 En quelques jours les maux, les fractures, les lignes de séparation au sein de la société française, sont apparus clairement. Tout ce qui nous empêche de “faire société” et menace de nous diviser durablement est en surface, sans fard, sans la mise en forme des discours politiques.

L’aléa de la peur
La nouvelle attaque terroriste (au sens premier du terme, qui vise à terroriser sans autre objectif que celui-là) à Strasbourg est venue endeuiller la vie de dizaines de personnes, de façon absurde et sans autre raison que celle d’avoir été là. Cet aléa, transporté par une interprétation folle de l’Islam, traverse nos sociétés, sans contrôle. Il nous effraie, avive des antagonismes, excite les différences et les „identités“, éclaire aussi nos faiblesses et nos doutes sur les principes fondateurs de la société française (libertés fondamentales, laïcité).

La défiance permanente
La réaction de certains “gilets jaunes”, présentant cette attaque comme accompagnée ou téléguidée par le gouvernement afin de faire diversion et mettre un terme à leur mouvement, est la face abjecte du ressentiment, moteur des manifestions depuis 15 jours.

Ce ressentiment est de la défiance. Nous sommes entrés dans une “société de la défiance”. Le concept a déjà été décrit par quelques économistes ou sociologues. Ceux qui la vivent sont sur les ronds-points et devant les lycées. La colère et la peur ont pris le pas sur l’adhésion aux institutions de la République. L’École n’apporte pas de garantie, le système judiciaire effraie, les médias et les organes politiques sont des repoussoirs. Le “qui sont ces gens qui se prennent pour les élites ?“ a remplacé le „tous pourris”, encore inclusif — ils sont comme nous mais corrompus par le pouvoir et l’argent -. Cette défiance est le fruit d’un quotidien où rémunération modeste sans perspectives côtoie des charges sans cesse en augmentation. Elle est l’enfant du déclassement et du mépris ressenti pour les péri-urbain et les „banlieusards“, les nouveaux gueux des temps contemporains.

De la „fracture sociale“ de 1988 au „renouvellement“ de 2017, le discours politique croit depuis longtemps s’emparer de cette défiance. Appropriation contre-productive, particulièrement pour les „marcheurs“. Le loi sur la moralisation vidée de son contenu (non-cumul reporté, casier judiciaire écarté) ne sera pas compensée par la nouvelle promesse sur le vote blanc. La parole publique vient en effet tous les jours rompre ce qui nous unit. Le „réconcilier la base et le sommet“ du Président de la République est lourd de sens. Les propos sur les liens entre les élites/dirigeants et le peuple sont dans la même veine. Il leur manque l’humilité, la modernité et l’exemplarité attendues des représentants pour restaurer la confiance nécessaire en démocratie.

Le discours du changement et le réel
Il manque aussi, et c’est le cas avec les annonces récentes du Président de la République, la volonté de se confronter à la complexité du réel. Ainsi, le marché de l’emploi s’est-il coupé en deux et la réponse politique ne s’est pas adaptée. Précarité économique pour 15 à 20% de la population active, absence de perspective pour la plupart de ceux rémunérés autour du Smic, pressions bureaucratiques sur les personnes inscrites à Pôle emploi ou au RSA, la part du réel qui ne voit aucun changement ne cesse d’augmenter. Or, faute de comprendre cette nouvelle réalité et de s’y adapter, l’État est devenu un acteur „malveillant“ (contraire de bienveillant) de ce marché.

Pas de renouvellement sincère avant 2020
Être élu est une charge, non une source de privilèges. Mais seules de nouvelles pratiques pourront convaincre nos concitoyens et refabriquer la confiance, et cela prendra du temps. Il n’y a rien à attendre des élections européennes. En revanche, les élections municipales seront une occasion de renouveler les hommes et les femmes qui s’impliquent en politique, de porter des solutions nouvelles et d’instaurer des pratiques modernes. Et refaire société.

2020 se prépare maintenant.

Eric LAFOND