jeudi 12 septembre 2019

DEMOCRATIE et PROXIMITE.








L’actualitĂ© apporte chaque jour son lot de confirmations, venues de toutes contrĂ©es, de toutes sensibilitĂ©s, sur tous les grands thĂšmes du quotidien, a l’heure de la mondialisation et de la concurrence sans foi ni loi, le citoyen fera entendre sa voix dans la proximitĂ©.
En 1987 Michel CROZIER, que beaucoup devraient lire ou relire, avec attention, publiait ETAT MODESTE ETAT MODERNE, enrichi en 1991 d’un avant-propos et d’une post face pour tenir compte de la publication en 1989 de la circulaire ROCARD portant sur le renouveau du service public.
Tout est dit, analysĂ© et documentĂ©, et montre comment un Etat moderne, doit ĂȘtre modeste face aux attentes des français.il ne s’agit pas ou plus aux citoyens de se plier aux dĂ©sirs des gouvernants, mais bien Ă  ceux-ci de s’adapter, en abandonnant une attitude mĂ©galomaniaque qui les conduit a vouloir parler de tout, tout savoir, avoir rĂ©ponse Ă  tout.
A 6 mois des prochaines Ă©lections municipales il y a lĂ  une belle rĂ©flexion Ă  mener, pour qu’un Etat moderne veille Ă  crĂ©er les conditions d’un exercice fĂ©cond de la dĂ©mocratie locale, en accentuant la dĂ©centralisation. Les rĂ©cents sondages le montre, les prioritĂ©s des français, sont claires.
En premier lieu, le respect de leur pouvoir d’achat qui implique une fiscalitĂ© locale prudente. A la suite, vient la santĂ© et l’environnement de proximitĂ©, traitement des dĂ©chets, cantines scolaires, transports, nuisances industrielles. La sĂ©curitĂ© individuelle et collective est sur le podium, ce qui complĂšte parfaitement une belle feuille de route.
Il reste que pour mener Ă  bien une telle ambition, il est impĂ©ratif de revisiter sans faiblesse le fonctionnement de notre dĂ©mocratie locale, pour Ă©liminer l’effet pervers de la sĂ©lection par le sexe, la classe sociale, ou l’appartenance a des machines partisanes, Ă©curies d’ambitions et captatrices des financements publics.
Chaque citoyen est tour Ă  tour gouvernant et gouvernĂ©, cela veut dire qu’il est capable de prendre des responsabilitĂ©s et de les assumer. Homme ou femme, jeune ou vieux, chacun peut exercer un mandat, Ă  condition qu’on lui donne la facultĂ© de se former et de comprendre. VoilĂ  une belle mission pour des organismes de formation libres et indĂ©pendants, portĂ©s par l’initiative associative locale.
Au titre du prĂ©sent quinquennat, Paul RICOEUR est Ă  la mode. Il a Ă©crit qu’est dĂ©mocratique une sociĂ©tĂ© qui se reconnaĂźt divisĂ©e, c’est Ă  dire traversĂ©e par des intĂ©rĂȘts contradictoires, et se fixe comme mode opĂ©ratoire d’associer Ă  part Ă©gale chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions et la mise en dĂ©libĂ©ration pour arbitrage.
Au plan local en particulier, il est impératif de favoriser le référendum local, la mise en place de comités citoyens volontaires, autant de petites mesures déjà rodées dans quelques communes, qui déchargent les Maires de leur isolement et rendent leur mission moins ingrate.
Un État moderne qui se propose de modifier les institutions ferait bien d’y penser.

R HASSELMANN
Tribune LES ECHOS « LE CERCLE » (10/09/19)


samedi 7 septembre 2019

CONCIENCE DE LA TERRE!


LIBR'ACTEURS parle depuis des annĂ©es de conscience de la terre, prĂ©fĂ©rable a ÉCOLOGIE, galvaudĂ©e et donnant le triste spectacle du champ clos des petites ambitions politiques.

Une fois n'est pas coutume nous restituons ici un article qui explique notre position Ă  partir du propos d'un homme dont l’expĂ©rience et l'altruisme sont reconnus.
Nos membres et sympathisants analyseront chaque paragraphe d'un texte qui va servir de trame a nos engagements futurs.
Bien a vous
R HASSELMANN
Devant l’urgence du dĂ©rĂšglement climatique et les possibilitĂ©s d’un effondrement pour des milliards de personnes, comment rĂ©aliser la transition, dans les pays du Sud tout comme au Nord ? Dans cet entretien, GaĂ«l Giraud encourage Ă  dĂ©velopper les « communs » et Ă  les protĂ©ger de la privatisation, une voie de secours alors que le temps manque.GaĂ«l Giraud est Ă©conomiste en chef de l’Agence française de dĂ©veloppement (AFD).

Reporterre — Les pays en voie de dĂ©veloppement ont le moins contribuĂ© au rĂ©chauffement climatique. Pourtant, ce sont eux qui vont en payer le prix le plus Ă©levĂ©. N’est-il pas compliquĂ© de leur demander des efforts ?

GaĂ«l Giraud — Les pays des Sud n’en sont plus Ă  donner des leçons de morale au Nord car il est trop tard. Ils savent qu’on s’achemine vers des catastrophes majeures, qu’il faut limiter le plus possible nos Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Ils sont trĂšs conscients qu’il existe une vertu d’exemplaritĂ©. Et que s’ils font leur part, ils pourront peut-ĂȘtre convaincre les pays du Nord de faire la leur. C’est d’ailleurs dans leur intĂ©rĂȘt que la rĂ©duction des Ă©missions de CO2 se fasse le plus rapidement possible.

Pourquoi utilisez-vous le terme « pays des Sud » ?

L’expression « pays en voie en dĂ©veloppement » est une vieille terminologie mĂ©prisante des annĂ©es 1980, tributaire d’une vision linĂ©aire de l’histoire en partie forgĂ©e par l’Ă©conomiste Walt Whitman Rostow aprĂšs la guerre. Beaucoup de populations dites indigĂšnes ont Ă©normĂ©ment de choses Ă  nous apprendre. Les moins humainement « dĂ©veloppĂ©s », c’est nous, qui dĂ©pendons des Ă©nergies fossiles pour notre consommation d’Ă©nergie et qui sommes incapables de faire de la prospĂ©ritĂ© sans dĂ©truire les Ă©cosystĂšmes

Comment ces pays peuvent-ils financer la transition, alors mĂȘme qu’ils manquent de moyens pour certains besoins Ă©lĂ©mentaires ?

Ce n’est pas plus simple au Nord, car il est plus coĂ»teux de verdir une Ă©conomie industrialisĂ©e qu’une Ă©conomie rurale. Il faudrait dĂ©penser 4.000 milliards de dollars au Nord et 2.000 milliards au Sud chaque annĂ©e pendant 15 ans pour financer les infrastructures vertes dont nous avons besoin. Sachant que le PIB français est de 2.300 milliards, cela vous donne un ordre de grandeur des fonds Ă  mobiliser. Les bailleurs internationaux, comme l’Agence française de dĂ©veloppement, doivent aider, ainsi que d’autres institutions, comme l’International Development Finance Club, ou le Fonds vert pour le climat. Je pense d’ailleurs que la dette publique est un moindre mal par rapport Ă  l’enjeu qui est devant nous

Qui initie le changement ? Les populations locales ou les autorités ?

Il faut les deux. Au niveau local, la population connaĂźt mieux le terrain et sait ce qu’elle peut faire raisonnablement dans un temps limitĂ©. L’autoritĂ© publique a beaucoup d’argent et peut impulser les transformations en matiĂšre d’institutions et d’infrastructures. Par exemple Ă  la Paz, la capitale de la Bolivie qui a connu le « day zĂ©ro » pendant l’Ă©tĂ© 2016 [jour oĂč il n’y a plus eu d’eau courante dans les robinets], les bourgeois du centre-ville Ă©taient Ă  sec, tandis que les communautĂ©s plus pauvres, dans les bidonvilles, ont continuĂ© Ă  avoir de l’eau car elles s’Ă©taient organisĂ©es pour gĂ©rer la pompe comme un bien commun.

« Les moins humainement ’dĂ©veloppĂ©s’, c’est nous, qui sommes incapables de faire de la prospĂ©ritĂ© sans dĂ©truire les Ă©cosystĂšmes »


DĂ©velopper les biens communs a-t-il du sens Ă©conomiquement ?

J’en suis convaincu. À l’Agence française de dĂ©veloppement, nous poussons beaucoup vers la constitution de communs. Elinor Ostrom a reçu le prix Nobel d’Ă©conomie en 2009 pour ses travaux sur le sujet. Ceux-ci montrent que, la plupart du temps, lorsqu’une ressource est privatisĂ©e, elle est dĂ©truite. Si elle est confiĂ©e Ă  la gestion publique, cela donne parfois des catastrophes. La meilleure solution reste souvent de la confier Ă  des communautĂ©s locales, Ă  condition que des rĂšgles dĂ©mocratiques et participatives soient mises en place pour une gestion raisonnable. Tout ce qui s’invente au niveau de l’Ă©conomie circulaire tourne autour du mĂȘme sujet. On rĂ©apprend que ce qui compte, c’est le droit d’usage des objets et non plus leur propriĂ©tĂ©. Comme pour le VĂ©lib’, oĂč vous achetez un droit d’usage limitĂ©. Je pense que les communs constituent notre voie de secours face au drame Ă©cologique, vu la briĂšvetĂ© du dĂ©lai dont nous disposons. Prenons par exemple les projets de pisciculture dans les forĂȘts de GuinĂ©e-Conakry, financĂ©s par l’AFD. Le poisson est « administrĂ© » par un village comme un commun. Il y a parfois des conflits pour savoir quel est le meilleur moment pour pĂȘcher le poisson : dans une zone sans Ă©lectricitĂ©, c’est une question sensible. Quand les gens ne sont plus d’accord, ils vont chercher l’ancien du village Ă  cĂŽtĂ©, Ă  20 km, pour rĂ©gler leur diffĂ©rend. Cela peut nous paraĂźtre archaĂŻque mais en rĂ©alitĂ©, c’est d’une grande sagesse institutionnelle. Dans la zone euro, nous n’avons pas imaginĂ© de mĂ©tarĂšgle de sortie des conflits et regardez ce qui se passe avec le Brexit ou la GrĂšce. Nous sommes des nains institutionnels par rapport aux tribus paysannes de GuinĂ©e-Conakry !

Comment développer les biens communs face à la pression des industriels ?

Avez-vous remarquĂ© que mĂȘme le prĂ©sident de la RĂ©publique parle de biens communs ? Pourtant, le mouvement de privatisation continue tous azimuts, poussĂ© par la Commission europĂ©enne. Pour Ă©viter cela, il faut instituer les communs comme entitĂ© juridique. Ce qui est parfaitement possible dans la Constitution française, puisqu’ils ont dĂ©jĂ  une existence dans le Code civil de 1804. Simplement, ils sont ignorĂ©s. Or, sans protection, les communs se privatisent, comme avec Airbnb ou Blablacar. Stefano Rodota, un grand juriste italien, a proposĂ© d’inscrire l’eau comme commun dans la Constitution italienne. Il n’y est pas parvenu mais son combat se poursuit.

Le commun ne peut-il pas se protéger tout seul ?

Face Ă  la violence de la privatisation, c’est impossible. Prenons l’exemple de la faune aquatique dans les ocĂ©ans. Les ocĂ©anologues nous prĂ©viennent que, si l’on continue, il n’y aura plus de grands pĂ©lagiens — les poissons que nous mangeons— en 2050. La pĂȘche industrielle en eaux profondes, jointe au rĂ©chauffement et Ă  l’acidification, est trĂšs largement responsable du problĂšme. Les pĂȘcheurs de l’Atlantique sont dĂ©sormais obligĂ©s d’utiliser des techniques de sonde aquatique qui ont le mĂȘme degrĂ© de sophistication que celles des pĂ©troliers. Si on continue de considĂ©rer la faune halieutique comme un bien privĂ© accessible Ă  tous, on va la dĂ©truire. Nos enfants connaĂźtront une planĂšte dont les ocĂ©ans seront vides de poissons et infestĂ©s de mĂ©duses. Pour protĂ©ger la faune halieutique, impossible d’en faire un bien public, car il n’y a heureusement pas d’État mondial. Mais il faut crĂ©er des lois internationales qui permettent de protĂ©ger les poissons, lois auxquelles se rallieront les États.


Que pensez-vous du mécanisme de régulation de marché qui donne un prix à la nature ?

C’est une trĂšs mauvaise idĂ©e. Cela veut dire qu’on va pouvoir marchander la nature. Si vous voulez que le tigre du Bengale soit libre, il ne faut surtout pas lui donner un prix. Comme pour la vie humaine. Pourtant, les nĂ©olibĂ©raux vont rĂ©pondront qu’on peut spĂ©culer sur la vie humaine : on le fait dĂ©jĂ  avec les actifs financiers dĂ©rivĂ©s sur les contrats d’assurance vie. Mais pour protĂ©ger la nature, il faut rĂ©habiliter l’État, le droit et les normes. Alors qu’aujourd’hui nous sommes en train d’infĂ©oder le droit Ă  une logique Ă©conomique de privatisation du monde. C’est cela, la catastrophe civilisationnelle de l’Occident. Pour lutter contre cela, il faut refuser de ratifier l’accord avec le Mercosur, dĂ©noncer la plupart des traitĂ©s commerciaux bilatĂ©raux, qui ne permettent pas de respecter l’Accord de Paris et organisent le dĂ©mantĂšlement de l’État de droit, autorisant par exemple les entreprises privĂ©es Ă  porter plainte contre une loi dĂ©favorable Ă  leurs intĂ©rĂȘts privĂ©s. D’autant qu’avec des tribunaux internationaux, dont la composition sera fixĂ©e de maniĂšre ad hoc, le rĂ©sultat du procĂšs est connu d’avance.
« Si l’Inde et l’Asie du Sud-Est deviennent invivables, trois milliards de personnes vont devoir migrer. »


Quelles sont les zones qui seront le plus affectées par le changement climatique ?


Si les gens ne migrent pas, les trois quarts de la population humaine devraient connaĂźtre plus de 20 jours par an de condition lĂ©tale [soit le moment oĂč le corps humain ne peut plus survivre Ă  cause de la chaleur et de l’humiditĂ©]. Toute l’Amazonie est condamnĂ©e, le bassin du Congo, le golfe de GuinĂ©e, la façade est de l’Afrique, le littoral indien, l’Asie du Sud-Est, oĂč le nombre de jours « mortels » pourrait excĂ©der 200 par an. Ces zones vont ĂȘtre dĂ©sertĂ©es. Sur les cĂŽtes Est amĂ©ricaine et chinoise, on pourrait approcher les 100 jours par an de condition lĂ©tale. La Banque mondiale chiffre Ă  deux milliards le nombre de rĂ©fugiĂ©s climatiques dans la seconde moitiĂ© du siĂšcle. Je pense que cela demeure trĂšs sous-estimĂ© : si l’Inde et l’Asie du Sud-Est deviennent invivables, au moins trois milliards de personnes vont devoir migrer.


Que rĂ©pondez-vous Ă  celles et ceux qui pensent qu’on pourra Ă©chapper aux consĂ©quences du rĂ©chauffement climatique en allant vivre au Groenland ou en SibĂ©rie ?


C’est totalement faux pour de nombreuses raisons. La premiĂšre : tous les humains ne tiendront pas au Groenland ni mĂȘme en SibĂ©rie. De plus, la destruction de la biodiversitĂ© n’est pas cantonnĂ©e Ă  la ceinture des tropiques. Le vivant est dĂ©jĂ  en train de migrer vers les pĂŽles Ă  une vitesse de six kilomĂštres par an. Ce qui est trĂšs rapide. Les pandĂ©mies tropicales sont donc Ă©galement en train de migrer. Le paludisme s’est par exemple rĂ©installĂ© en Italie aprĂšs un siĂšcle d’absence. La Banque mondiale chiffre Ă  5,2 milliards le nombre d’humains qui devraient souffrir du paludisme en 2050.

Seconde source d’ennui : la fonte du pergĂ©lisol, qui va libĂ©rer du mĂ©thane. Si cela arrive, cela nous conduit Ă  des hausses de tempĂ©rature de +7 °C Ă  +10 °C et la survie de l’humanitĂ© est compromise. Dans le pergĂ©lisol sibĂ©rien, il y a des maladies prisonniĂšres qu’on croyait disparues pour toujours. Par exemple, un enfant russe est mort de l’anthrax, car il a jouĂ© avec un cadavre de renne mort il y a un siĂšcle, dans lequel le bacille Ă©tait gelĂ©, mais vivant. La grippe de 1918, qui avait fait 100 millions de morts, est aussi probablement dans le sol sibĂ©rien en train de dĂ©geler. Les Ă©pidĂ©miologues attendent avec effroi qu’elle resurgisse.

J’ai eu une discussion l’an dernier avec des financiers de la City, Ă  Londres. Ils ne comptent rien faire pour la transition Ă©cologique et me disent qu’ils vont envoyer leurs enfants en SuĂšde, croyant que ce pays sera Ă©pargnĂ©. Or, la concentration de CO2 dans l’atmosphĂšre s’Ă©lĂšve aujourd’hui Ă  415 ppm. À 1.000 ppm, les expĂ©rimentations montrent que le cerveau humain perd 20 % de ses facultĂ©s. Selon les trajectoires du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Ă©volution du climat (Giec), nous atteindrons ce seuil avant la fin du siĂšcle si nous ne changeons pas de modĂšle. Et les enfants de riches de la City, mĂȘme enfermĂ©s dans un bunker, devront bien respirer.


« Le seul intĂ©rĂȘt de la collapsologie est de nous encourager Ă  tout faire pour Ă©viter la catastrophe. »


Que pensez-vous des thĂ©ories sur l’effondrement et des penseurs comme Pablo Servigne ?

Je pense que Pablo Servigne est mĂ©compris au sens oĂč certains croient qu’il prĂ©tend prĂ©dire le prochain effondrement de la France. Personne ne peut aujourd’hui faire une telle prĂ©diction. Il faut plutĂŽt faire de la prospective, c’est-Ă -dire des scĂ©narios Ă©tudiant les consĂ©quences vraisemblables de certaines hypothĂšses. À l’AFD, nous construisons des modĂšles macroĂ©conomiques et climatiques en partenariat avec l’Institut Pierre-Simon-Laplace, un rĂ©seau de laboratoires du climat français trĂšs prĂ©sent au sein du Giec. Les premiers rĂ©sultats suggĂšrent la possibilitĂ© d’une dĂ©croissance Ă  l’Ă©chelle planĂ©taire, forcĂ©e, subie, dĂšs le dernier tiers de ce siĂšcle. Dans ce scĂ©nario, le PIB mondial plafonne autour de 2065, avant d’entrer en dĂ©croissance. C’est une version possible de l’effondrement. Par contre, si nous mettons en Ɠuvre des politiques publiques hyper volontaristes, notre modĂšle montre qu’il est possible d’y Ă©chapper. Or, il faut tout faire pour Ă©chapper Ă  l’effondrement. Regardez la situation du VĂ©nĂ©zuĂ©la. Avez-vous envie de connaĂźtre cela ? Ou encore ce qui se passe au Mali, en Libye, ou en Afghanistan : la faillite de l’État, c’est le retour tribal au Moyen-Âge avec des seigneurs de guerre locaux qui terrorisent des populations civiles prises en otage.

La tentation est de se reprĂ©senter l’effondrement comme une bonne nouvelle. Certains cĂšdent Ă  une sorte de romantisme anarchiste, jubilant inconsciemment de l’abolition de l’État Ă  la perspective de l’effondrement. Or, je suis convaincu que nous avons besoin d’un État pour faire respecter le droit et la justice, pour assurer des services publics et sociaux. Le seul intĂ©rĂȘt de la collapsologie, c’est de nous encourager Ă  tout faire pour Ă©viter la catastrophe.


Un tableau bien noir. Voyez-vous quand mĂȘme de bonnes nouvelles ?


En Occident, pour la premiĂšre fois dans l’histoire de l’HumanitĂ©, les femmes sont plus diplĂŽmĂ©es que les hommes. J’espĂšre qu’elles vont nous sauver car la plupart ont un rapport au monde beaucoup plus sain que beaucoup d’hommes. RelĂ©guĂ©es depuis des centaines d’annĂ©es dans des rĂŽles subalternes et domestiques, elles ont dĂ©ployĂ© une sensibilitĂ© au soin des autres, aux plus vulnĂ©rables. J’espĂšre que la prise de pouvoir social progressive des femmes va nous permettre d’Ă©viter de faire d’Ă©normes bĂȘtises. MĂȘme s’il y a une rĂ©sistance des hommes qui comprennent petit Ă  petit qu’ils sont en train de se faire dĂ©possĂ©der. La fameuse crise de la masculinitĂ©.

En quoi le fait d’ĂȘtre un jĂ©suite vous aide-t-il Ă  surmonter tout cela ?

Ça me rend libre, mĂȘme si pas mal de gens aimeraient me faire taire, en allant jusqu’Ă  Rome dire que je suis un mauvais prĂȘtre. Mais je n’ai pas besoin de faire carriĂšre, je ne suis pas lĂ  pour gagner de l’argent, je n’ai aucun intĂ©rĂȘt personnel Ă  mentir ou Ă  pratiquer la langue de bois. Être jĂ©suite est une maniĂšre de s’abreuver Ă  la source d’espĂ©rance en Celui qui est Ă  l’origine de la CrĂ©ation. Et puis, ce qui me nourrit, c’est de voir la force incroyable des jeunes, trĂšs lucides. Ils ont compris la gravitĂ© de la situation et ne sont pas du tout impressionnĂ©s par leurs aĂźnĂ©s. MĂȘme s’il leur faudra quand mĂȘme des alliĂ©s dans la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente.

dimanche 4 août 2019

MORAL et CROISSANCE.







En dĂ©pit des petits coups de pouce au sacro-saint pouvoir d’achat des français, beaucoup s’Ă©tonnent que la reprise de croissance ne soit pas immĂ©diatement au rendez-vous. Il semble donc utile de remettre en mĂ©moire quelques petites vĂ©ritĂ©s !
La France est le pays de toutes les contradictions, capable de passer, en un instant de l’euphorie la plus dĂ©bridĂ©e au pessimisme le plus sombre, Ă  partir d’un Ă©vĂšnement donnĂ©.
DĂ©s lors, penser que lĂącher quelques euros, permet des restaurer confiance et croissance, tĂ©moigne d’une belle mĂ©connaissance de la rĂ©alitĂ© profonde du tempĂ©rament français. Paradoxalement, et notamment depuis l’aprĂšs-guerre, le modĂšle social français, censĂ© cimenter la cohĂ©sion sociale, a de fait accentuĂ© la « balkanisation » de notre collectivitĂ©, addition de petits avantages et statuts, ferments des divisions, des frustrations, des doutes et des craintes.
Cette crainte individuelle et collective explique un comportement national bien connu, le refus de se comparer d’une part, et la promptitude Ă  sombrer dans les scĂ©narii les plus sombres.
L’Euro en plus n’ira pas dans la consommation, et n’alimentera pas la croissance, tant que le citoyen n’aura pas confiance, et ne percevra pas les mĂ©canismes incontournables du dĂ©veloppement d’un pays.
Cela dit, il est indispensable de bien poser l’Ă©quation, qui par chance n’a pas d’inconnues !
Le Français doute car c’est dans sa culture, imprĂ©gnĂ©e de la religion chrĂ©tienne. Il importe par consĂ©quent de bien s’assurer que la majoritĂ© des citoyens comprend la situation, et le bien fondĂ© des mesures mises en Ɠuvre. On a pu dire avec juste raison que le Français plus que d’autres a le PESSIMISME de l’INTELLIGENCE, il reste donc a restaurer ou instaurer l’OPTIMISME de LA VOLONTE.
Vaste programme, mais a portĂ©e de mains si l’on prend les choses dans l’ordre en identifiant les Ă©cueils et blocages et si l’on utilise des instruments de mesures pertinents pour juger de l’impact effectif des mesures.
Ainsi a un moment ou le denier public est comptĂ©, il serait bon que l’Etat, et toute collectivitĂ© publique qui engage la dĂ©pense sache mesurer effectivement ce que certains nomment l’IMPACT SOCIAL d’une mesure. Il reste Ă  espĂ©rer que cela sera entendu, car le fossĂ© entre la phrase politique et la rĂ©alitĂ© des faits lasse de plus en plus la patience citoyenne !

R HASSELMANN