L'écoute ce mercredi du héraut du "Made in France" ci-devant ministre du Redressement productif est particulièrement instructive. Elle met bien en exergue combien il va être important pour 2017 de débusquer les impostures, pour s'entendre sur le souhaitable et le possible.
L'invité du matin sur une chaîne en continu annonce qu'il faut lancer un plan gigantesque d'investissement dans les grandes infrastructures à l'instar des USA, du Canada, ou du Royaume-Uni. Dans le même temps, le candidat de la primaire des gauches plaide pour un pal européen de relance ambitieuse des salaires et finance tout cela par la dette et un salutaire retour à l'inflation.
À l'heure de toutes les surenchères électoralistes, à l'heure où l'on finit par admettre que l'économie, comme les sondages ne sont pas des sciences exactes, il semble impératif de bien redire les choses et hiérarchiser les vraies priorités.
Redire les choses, c'est bien faire comprendre que la France, avec ses atouts, son charme, sa foi en ses valeurs et son "aura" n'est qu'un point, de plus en plus petit, à l'échelle d'un monde à la démographie galopante, aux appétits multipliés et aux concurrences diverses et variées dont beaucoup sont "junk" pour ne pas dire totalement malhonnêtes.
Il est indispensable, dès lors de bien mobiliser nos forces productives en biens et services pour les rendre concurrentielles et les dédier, par priorité à nos exigences domestiques, sans pour autant être taxés de protectionnisme ou de repli frileux. Cela passe par des coûts de production contenus, allégés du poids de tout ce qui n'est pas productif et indispensable pour la mise sur le marché d'un bien ou d'un service de qualité, à un prix raisonnable pour être concurrentiel.
Hiérarchiser les priorités c'est, à l'aune du pré-requis précédent, bien s'entendre sur la notion de biens communs et de missions régaliennes d'un État moderne pour flécher de la manière la plus efficace le denier public prélevé sur les forces productives. L'actualité nous apporte alors un très bel exemple s'agissant des débats en cours sur le modèle social en général et sur notre système de santé, qui reste un système de soins, en particulier. Le lecteur sait qu'en ce domaine, nous revendiquons une modeste légitimité, et que certains impétrants pour 2017 ont bien voulu nous consulter. Comme bien souvent les restitutions laissent à désirer !
La santé est un bien commun, au même titre que l'eau, l'aire, l'atmosphère et cette bonne vieille terre. Elle est sans doute le lieu privilégié où doit s'exercer la plus grande solidarité, car sans elle, les activités humaines sont amoindries ou impossibles. Elle a des déterminants forts comme l'emploi, le logement, la sécurité ou l'instruction, c'est tout dire.
Dès lors, il faut s'accorder à reconnaître qu'elle ne peut être le lieu d'aucune prédation capitalistique, pour ce qui concerne au moins un socle incontestable de base et des compléments périphériques indispensables. C'est la raison pour laquelle les "usines à gaz" actuelles, où il est question de contrats solidaires et responsables, où l'on ratiocine sur les honoraires et le juste prix de certains actes ou sur le "sexe des anges" des complémentaires sont hors sujet.
La solidarité nationale commande sans conteste que le denier public soit mis à la disposition du citoyen par une ligne budgétaire annuelle (exit la débudgétisation) répartie en région et gérée par des Caisses régionales de Financement de la Santé. Ce budget ayant vocation à la prise en charge au premier euro d'un panier de biens et services jugés comme indispensable, portant d'une part sur des honoraires revalorisés de la médecine de ville, aiguilleur de l'ensemble et pivot de "Maisons de soins". Inclusion également faite des honoraires revalorisés des professionnels du dentaire de l'optique ou de l'ouïe d'une part et d'autres parts des actes lourds de l'hospitalisation et du traitement des ALD.
Prise en charge intégrale par le denier public assortie du même effort s'agissant des médicaments, traitements ou équipements moteurs de la pathologie et la thérapie. À la suite, il parait judicieux d'isoler un second palier, ou là encore le capitalistique ne peut avoir place, mais ou le denier public s'épargne, hormis sous conditions de ressources, pour ce qui concerne les populations défavorisées, sur le modèle de la CMU ou de l'ACS (aide a l'acquisition d'une complémentaire santé).
Ce second niveau serait le lieu d'exercice de la solidarité et de l'initiative citoyenne, parfaitement illustrée par ces sociétés de personnes que sont les vraies mutuelles. Ces opérateurs avec des comptes lisibles et des gouvernances démocratiques libérées des mains mises syndicales, se verraient confier une vraie mission de service public, justifiant une totale exonération fiscale, pour proposer aux adhérents des prestations complémentaires en terme de préventif de curatif ou d'accompagnement.
Cela porterait sur certains traitements ou équipements en optique, sur certains actes prothétiques en dentaires ou en acoustique et surtout sur tous les actes de médecines alternatives largement plébiscités par le citoyen.
Ce second niveau financé par la cotisation volontaire individuelle ou collective de citoyens liés par des proximités géographiques professionnelles ou des pathologies.
Resterait alors un dernier niveau, lieu ouvert à toutes les concurrences et justifiant des charges d'acquisitions (publicité, sponsoring, naming, etc.. ) qui choquent a l'heure actuelle dans les comptes de certains opérateurs... mutualistes ! Niveau de prise en charge du somptuaire ou du "PLUS" dans des domaines comme le thermalisme, le traitement hospitalier hôtelier, la monture de lunettes siglée, ou encore le transport sanitaire de confort.
Il semble vraiment indispensable de mener dans le domaine de la santé comme dans tous les autres ce type d'analyse. Il s'agit d'une approche libérée des contraintes électoralistes et court-termistes. C'est le vrai sens de la réflexion menée pour un État modeste, mais moderne qui s'efforce de mettre en perspective pour nos enfants et petits enfants.
Un citoyen acteur de son destin, ce n'est pas un citoyen qui se borne à voter, quand il vote, mais c'est surtout un citoyen qui s'implique pour comprendre et peser. Il semble que les nouvelles générations "Y" ou "Z" aient parfaitement compris ce distinguo qui n'a rien de subtil, mais de simple bon sens, ce n'est donc plus du souhaitable c'est désormais du possible !
Richard HASSELMANN