vendredi 14 décembre 2018

CE QUI NOUS SEPARE.






 En quelques jours les maux, les fractures, les lignes de sĂ©paration au sein de la sociĂ©tĂ© française, sont apparus clairement. Tout ce qui nous empĂȘche de “faire sociĂ©tĂ©” et menace de nous diviser durablement est en surface, sans fard, sans la mise en forme des discours politiques.

L’alĂ©a de la peur
La nouvelle attaque terroriste (au sens premier du terme, qui vise Ă  terroriser sans autre objectif que celui-lĂ ) Ă  Strasbourg est venue endeuiller la vie de dizaines de personnes, de façon absurde et sans autre raison que celle d’avoir Ă©tĂ© lĂ . Cet alĂ©a, transportĂ© par une interprĂ©tation folle de l’Islam, traverse nos sociĂ©tĂ©s, sans contrĂŽle. Il nous effraie, avive des antagonismes, excite les diffĂ©rences et les „identitĂ©s“, Ă©claire aussi nos faiblesses et nos doutes sur les principes fondateurs de la sociĂ©tĂ© française (libertĂ©s fondamentales, laĂŻcitĂ©).

La défiance permanente
La rĂ©action de certains “gilets jaunes”, prĂ©sentant cette attaque comme accompagnĂ©e ou tĂ©lĂ©guidĂ©e par le gouvernement afin de faire diversion et mettre un terme Ă  leur mouvement, est la face abjecte du ressentiment, moteur des manifestions depuis 15 jours.

Ce ressentiment est de la dĂ©fiance. Nous sommes entrĂ©s dans une “sociĂ©tĂ© de la dĂ©fiance”. Le concept a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©crit par quelques Ă©conomistes ou sociologues. Ceux qui la vivent sont sur les ronds-points et devant les lycĂ©es. La colĂšre et la peur ont pris le pas sur l’adhĂ©sion aux institutions de la RĂ©publique. L’École n’apporte pas de garantie, le systĂšme judiciaire effraie, les mĂ©dias et les organes politiques sont des repoussoirs. Le “qui sont ces gens qui se prennent pour les Ă©lites ?“ a remplacĂ© le „tous pourris”, encore inclusif — ils sont comme nous mais corrompus par le pouvoir et l’argent -. Cette dĂ©fiance est le fruit d’un quotidien oĂč rĂ©munĂ©ration modeste sans perspectives cĂŽtoie des charges sans cesse en augmentation. Elle est l’enfant du dĂ©classement et du mĂ©pris ressenti pour les pĂ©ri-urbain et les „banlieusards“, les nouveaux gueux des temps contemporains.

De la „fracture sociale“ de 1988 au „renouvellement“ de 2017, le discours politique croit depuis longtemps s’emparer de cette dĂ©fiance. Appropriation contre-productive, particuliĂšrement pour les „marcheurs“. Le loi sur la moralisation vidĂ©e de son contenu (non-cumul reportĂ©, casier judiciaire Ă©cartĂ©) ne sera pas compensĂ©e par la nouvelle promesse sur le vote blanc. La parole publique vient en effet tous les jours rompre ce qui nous unit. Le „rĂ©concilier la base et le sommet“ du PrĂ©sident de la RĂ©publique est lourd de sens. Les propos sur les liens entre les Ă©lites/dirigeants et le peuple sont dans la mĂȘme veine. Il leur manque l’humilitĂ©, la modernitĂ© et l’exemplaritĂ© attendues des reprĂ©sentants pour restaurer la confiance nĂ©cessaire en dĂ©mocratie.

Le discours du changement et le réel
Il manque aussi, et c’est le cas avec les annonces rĂ©centes du PrĂ©sident de la RĂ©publique, la volontĂ© de se confronter Ă  la complexitĂ© du rĂ©el. Ainsi, le marchĂ© de l’emploi s’est-il coupĂ© en deux et la rĂ©ponse politique ne s’est pas adaptĂ©e. PrĂ©caritĂ© Ă©conomique pour 15 Ă  20% de la population active, absence de perspective pour la plupart de ceux rĂ©munĂ©rĂ©s autour du Smic, pressions bureaucratiques sur les personnes inscrites Ă  PĂŽle emploi ou au RSA, la part du rĂ©el qui ne voit aucun changement ne cesse d’augmenter. Or, faute de comprendre cette nouvelle rĂ©alitĂ© et de s’y adapter, l’État est devenu un acteur „malveillant“ (contraire de bienveillant) de ce marchĂ©.

Pas de renouvellement sincĂšre avant 2020
Être Ă©lu est une charge, non une source de privilĂšges. Mais seules de nouvelles pratiques pourront convaincre nos concitoyens et refabriquer la confiance, et cela prendra du temps. Il n’y a rien Ă  attendre des Ă©lections europĂ©ennes. En revanche, les Ă©lections municipales seront une occasion de renouveler les hommes et les femmes qui s’impliquent en politique, de porter des solutions nouvelles et d’instaurer des pratiques modernes. Et refaire sociĂ©tĂ©.

2020 se prépare maintenant.

Eric LAFOND






mardi 11 décembre 2018

AUBERGE ESPAGNOLE.






Qu’il soit permis de revenir calmement sur l’intervention du chef de l’État, tĂ©moignant d’une Ă©vidente candeur, sans doute due Ă  la trĂšs faible expĂ©rience de la vie dont dispose l’intĂ©ressĂ©.

Élu, dĂ©mocratiquement, le candidat s’Ă©tait fixĂ© a lui-mĂȘme un formidable dĂ©fi, relever la France, dans un contexte international troublĂ©. Un chĂŽmage durable, une dette inquiĂ©tante, des prĂ©lĂšvements sociaux sans cesse plus lourds pour des rĂ©sultats de moins en moins visibles, le constat semblait bien partagĂ© par le plus grand nombre.

Diagnostic posĂ©, il restait Ă  administrer la bonne posologie. C’Ă©tait sans compter sur les rĂ©sistances diverses et variĂ©es, sur les petits intĂ©rĂȘts catĂ©goriels, sur des corps intermĂ©diaires a bout de souffle, mais jaloux d’un lustre passĂ© et sur une haute fonction publique qui reste en place quand le politique ne fait que passer ! C’Ă©tait aussi ignorer que le constat dressĂ© sans complaisance allait dĂ©clencher chez le citoyen un rĂ©flexe revendicatif, comme quand il se prĂ©cipite Ă  la pompe de peur de manquer de carburant. On peut s’Ă©tonner d’un PrĂ©sident, qui a des lettres, qu’il ignore TOCQUEVILLE qui dans LA DEMOCRATIE EN AMERIQUE disait en substance « Je redoute que les citoyens privilĂ©gient les jouissances prĂ©sentes, Ă  leur avenir et Ă  celui de leurs enfants. Qu’ils prĂ©fĂšrent suivre le quotidien que de faire un brusque et Ă©nergique effort pour redresser les choses ».

Il est effectivement urgent de proposer des axes de rĂ©flexions et des pistes de solutions, pour mettre un terme a la cacophonie ambiante, vĂ©ritable auberge espagnole ou chacun veut trouver ce qu’il y amĂšne et ce qu’il attend. Il ne faut pas se tromper la « convergences des luttes » couvre une solidaritĂ© temporaire de façade, tant les attentes des uns et des autres sont antagoniques et incompatibles. Il y a une indispensable rĂ©sultante des forces Ă  canaliser, sur l’essentiel. La hiĂ©rarchie des prioritĂ©s peut varier, l’idĂ©e que l’on se fait de la France Ă©galement, mais il y a des incontournables au premier rang des quels l’indispensable crĂ©ation de richesse, si l’on veut avoir une vraie ambition, pour les plus faibles. Un modĂšle social revisitĂ© implique un prĂ©alable, la dynamique de notre production sans laquelle, rĂ©duction de la dette, baisse de la pression fiscale sont interdites.

A ce stade, nous Ă©voquerons une nouvelle fois, M CROZIER, avec sa notion d’État MODERNE, ÉTAT MODESTE, qui devrait plaire au PrĂ©sident. Il lui appartient d’organiser les conditions pour trier le bon grain de l’ivraie  permettant de faire Ă©merger les propositions applicables en Ă©liminant le « folkloriques » Ă  partir d’une idĂ©es force qui semble communĂ©ment admise : La France riche de son histoire et de sa devise rĂ©publicaine doit tout mettre en ouvre pour gommer les inĂ©galitĂ©s les plus criantes qui tiennent Ă  l’emploi, l’Ă©ducation, le logement et la sĂ©curitĂ©. Les leviers sont ici une fiscalitĂ© plus juste et un accĂšs Ă  la santĂ© pour plus dĂ©mocratique. Cela peut constituer une belle feuille de route, pour des conventions citoyennes Ă  mettre en Ɠuvre sur tout le territoire, animĂ©es par les Maires, Ă  l’Ă©chelle de bassins de vie.

R HASSELMANN