LIBR'ACTEURS compte en ses rangs des expertises, dans les différents domaines qu'il importe de visiter.
Vous trouverez ici une analyse qui mérite attention et débats.
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Deux
membres du gouvernement viennent d'exprimer leurs divergences
idéologiques profondes. Pour Emmanuel Macron, il «
assume d'être libéral et rappelle qu’historiquement le
libéralisme était une valeur de gauche ».
Pour Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du Commerce
extérieur, « non seulement le
libéralisme n'est pas de gauche mais il est même incompatible avec
une certaine conception de l'intérêt général ».
Sensé défendre la même politique, comment peut-on expliquer une
vision opposée des valeurs de gauche ? D'apparence anecdotique,
cette opposition révèle une fracture idéologique au sein de la
gauche française qui l’empêche de réformer le pays.
Des
divergences fondamentales entre socialisme et libéralisme
Alors que le
libéralisme a un écho de plus en plus favorable auprès de
l'opinion publique à en croire les sondages, il reste un repoussoir
pour une partie importante de l'échiquier politique français. Que
contient-il précisément? Si chacune des trois pensées politiques
dominantes (socialisme, conservatisme et libéralisme) acceptent
l'idée qu'un ordre sous-tende la société, l'origine de cet ordre
diffère radicalement entre elles. Alors que l'ordre des socialistes
est rationnel, celui des conservateurs est organique, celui des
libéraux est spontané et s'appuie sur le principe de la
coordination des actions individuelles. Les opposants au libéralisme
dénient cet aspect essentiel qu'est la nécessité d'une
coordination décentralisée entre les actions individuelles.
Ce n'est ni l'anarchie, ni le chacun pour soi. Les deux autres
piliers du libéralisme sont le respect des droits individuels, dont
les droits de propriété, et l'attachement à l'état de droit. Le
philosophe anglais, John Locke (XVIIème siècle) a le premier défini
ce triptyque libéral en considérant qu'un homme est libre si sa
vie, sa liberté et sa sécurité sont garanties.
La pensée
socialiste est incompatible avec ces points fondamentaux. Le
socialisme n'accepte pas la propriété privée et la possibilité
pour un individu d'agir de façon autonome. La sphère d'autonomie
individuelle ne peut être issue que d'une délégation accordée par
la société. Les socialistes estiment que les individus ont des
droits que seule la société leur accorde, c'est elle qui les
distribue. Ils rejoignent sur ce point les philosophes grecs qui
considéraient que les droits ne puissent naître que de la cité.
Pourtant, si le rôle de la société est de faire reconnaître ces
droits, ces droits individuels pre-existaient. Quant à l'ordre
rationnel, les socialistes s'appuient sur l'idée platonicienne d'une
société parfaite, bien organisée. C'est l'idée utopiste de la
recherche de l'idéal et de la pureté pour la société du futur.
Les socialistes sont des architectes qui détiennent les plans de la
Cité. En France, cela a donné le scientisme et l'industrialisme
saint-simonien, fondements du socialisme élitiste dans lequel une
minorité éclairée guide, décide et agit à la place du bon
peuple. C'est exactement l'inverse de l'ordre spontané, qui prend
les hommes tels qu'ils sont et non pas tels qu'on voudrait qu'ils
fussent.
Des
valeurs humanistes du libéralisme récupérées par les socialistes
C'est
probablement Adam Smith, dans sa théorie de sentiments moraux qui a
le premier exprimé les valeurs humanistes de la pensée libérale.
Il évoque le sentiment d'empathie à la base de l'échange, lui-même
moteur de l'économie. Une société étatiste et collectiviste ne
sert en réalité pas l'intérêt commun mais davantage des intérêts
catégoriels. Le bien commun se retrouve dans l'échange, qui oblige
à se mettre à la place de l'autre, mais pas seulement dans l'ordre
marchand. L’État n'a pas le monopole de la solidarité et des
services d'entraide. La solidarité décentralisée au sein des
associations, des clubs, des lieux de culte a largement démontré
son efficacité sociale et la valorisation individuelle qu'elle
représente. La famille ne serait-elle pas le meilleur exemple de
cette formidable capacité d'entraide spontanée de l'individu? Les
socialistes déniant toute capacité de l'individu de redistribuer
spontanément, ils ont la tentation de minimiser cette valeur
familiale. Pour eux, la solidarité publique doit primer sur toutes
les autres. Cette vision étatique quasi exclusive de la solidarité
conduit pourtant à l'assistance et à l'abaissement de la condition
humaine.
Quand la
droite et la gauche s'évertuent depuis 30 ans à ne trouver comme
remède à la montée de la précarité sociale que l'augmentation
des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, la
multiplication des lois et l'incantation de l'Etat providence, c'est
une négation de ce que reconnaît le libéralisme dans l'homme.
Associer la redistribution spontanée à celle de l'Etat, s'appuyer
sur le développement de soi et les capacités individuelles sont des
recettes libérales que la gauche socialiste ne peut pas considérer.
C'est pourtant un moyen indispensable pour garantir la dignité de
l'homme, y compris pour les plus défavorisés.
On ne
s'étendra pas sur la vacuité de la dichotomie gauche-droite dans la
France du XXIème siècle quand on voit le programme (national)
socialiste proposer par l’extrême droite, le conservatisme des
communistes et consorts, sans parler de la proposition de déchéance
de nationalité d'un Président de gauche. Ces concepts ne sont plus
que de la tactique politique pour conquérir le pouvoir, simuler le
changement par des politiques dénués de toute conviction. En
revanche, il existe un libéralisme de gauche dans les pays où la
dissociation gauche-droite est encore signifiante comme dans les pays
anglo-saxons. C'est le libéralisme social d'un John Rawls (dans sa
théorie de la justice) qui fait du principe de liberté (égale pour
tous) un principe supérieur à tous les autres pour réduire des
inégalités, qui ne se justifient que si elles sont à l'avantage de
chacun. C'est celui d'un Amartya Sen qui fait de la liberté
positive, celle qui rend l'individu capable de développer au mieux
ses capacités (notion de « capabilités »), le principal
levier du progrès social. C'est celui d'un Tony Atkinson ou d'un
Martin O'Neil qui voit dans la propriété privée, via une
démocratie de propriétaires, non seulement le moyen de lutter
contre la pauvreté mais celui du développement de soi de l'être
humain pour le rendre capable de jouer pleinement son rôle de
citoyen et de renforcer les vertus démocratiques (citoyenneté
active).
Matthias
Fekl, en pur produit du socialisme français dominant qui a peu
évolué depuis le XIXème siècle, a raison de penser que le
libéralisme est incompatible avec le socialisme. Emmanuel Macron,
qui n'est pas socialiste, a aussi raison d'affirmer que le
libéralisme peut être de gauche mais il représente une gauche
ultra minoritaire en France. C’est pourtant cette gauche qui a
réformé la plupart des pays développés ces vingt dernières
années !
Frédéric
BIZARD
Economiste
Sciences Po Paris
Permettez moi d'emprunter a E MORIN ce qui suit pour prolonger la réflexion:
RépondreSupprimerLa Liberté, on peut l'instituer. L’Égalité, on peut l'imposer. Mais la Fraternité, non…
Elle ne peut venir que d'un sentiment vécu de solidarité et de responsabilité.
La liberté, seule, tue l'égalité ; l'égalité imposée en principe unique, tue la liberté.
Seule la Fraternité permet de maintenir la Liberté tout en luttant contre les inégalités.
Nous avons soif, dans notre esprit, dans notre âme, dans notre corps d'une autre façon de vivre. La potentialité de Fraternité sommeille en nous.
Cela renvoie a ARISTOTE, comme le souligne un de nos membres:
"Ce n'est donc ni par un effet de la nature, ni contrairement a la nature que les vertus naissent en nous.nous sommes naturellement prédisposés à les acquérir , à condition de les perfectionner par l'habitude" (Ethique à Nicomaque).
Nous revenons au rôle premier de l'éducation et constituer une piste pour des ateliers pour les plus jeunes, pour exacerber cette potentialité de fraternité dont parle E MORIN.A cet égard le scoutisme avait du bon comme le remarque notre membre qui a de bonnes lectures!
En réalité, les 3 termes sont nécessaires si on souhaite une société harmonieuse ; si l'un est absent ou prédomine, ce sera au détriment de l'ensemble.
RépondreSupprimerReçu a l'instant vos voeux et noté votre référence a HERACLITE!
RépondreSupprimerQuand comme vous ,depuis des années, on propose et qu'on rassemble autant de talents pour concevoir et réaliser, on ne s'égare pas dans des boutiques politiciennes.
Bonne année 2016 et comme le dit joliment votre carte de vœux que cette année prépare bien 2017.notre groupe sera avec vous.