Nous étions nombreux devant le Monument aux Morts en ce matin du 11 novembre. Jeunes ou vieux, de gauche de droite ou d’ailleurs, unis par la même émotion, unis par l’Histoire. Chacun à sa façon. Avec mes 71 ans, je pensais avec effroi à mon grand-oncle, un gamin de vingt ans mort en juin 1918… l’âge de mes petits enfants ! Je pensais aussi avec tristesse à mes deux grands-pères, blessés emmurés dans le silence de leurs traumatismes.
Tout ça peut paraitre loin… et nous rassurer.
Mais l’histoire est tenace.
Certes c’était la faute aux impérialismes de tous bords. Pas la faute de ces très jeunes citoyens, Français autant qu’Allemands. Ni de ceux venus de pays lointains. Très lointains.
Pourtant l’histoire est tenace.
Vingt ans plus tard c’est la montée des extrémismes, ou plus simplement des sectarismes et de l’aveuglement, qui fera dix fois plus de morts avec une cruauté sidérante. Dont celle de Français complices de l’occupant quand d’autres, de droite, de gauche ou d’ailleurs, s’unissaient pour vaincre l’ennemi.
Et pour construire ensemble un monde meilleur.
Oui, l’histoire est tenace.
Certes le monde a changé. Mais la montée de certains extrémismes devrait nous interpeler. Que voyons-nous en Europe, aux États Unis (unis pour combien de temps ?), au Brésil coupé en deux… ? Que voyons-nous en France ? La même chose ou presque. La même chose en ce sens que face à un libéralisme dogmatique et sûr de lui, face aux déchirement et à l’éparpillement des gauches, en partie d’un autre âge, le populisme finit par s’imposer pour beaucoup de citoyens comme la seule alternative. Comme dans les années 1930.
Ne voit-on pas les menaces s’amonceler à l’horizon dans un monde sans horizon ? Hyper compétition, assez vide de sens, qui broie de plus en plus d’individus (travailleurs salariés et indépendants…) ; tyrannie des bureaucrates, des technocrates, des lobbies et des puissants ; hyper consommation, à la fois drogue et poison, celui du CO2 qui risque fort de nous emporter en faisant des milliards de victimes… Alors que nous n’avons jamais été aussi bien « armés ». Armés pour tirer les enseignements de l’histoire quand la seule vraie question est celle de notre bonheur ou de notre bien-être. Armés grâce au partage de l’information et des connaissances. Armés pour imaginer ensemble une « vie meilleure », plus raisonnable et qui ait du sens.
Est-il encore temps pour ne pas nous abandonner à cette alternative : populisme contre libéralisme ?
Oui il est encore temps. Même si le temps presse.
De nombreuses voix nous invitent à écrire ensemble une histoire collective, motivante, humaine, solidaire, efficace et soucieuse de nos jeunes et futures générations. Rien à voir ou presque avec la cruauté explosive du libéralisme et les dangers dévastateurs du populisme !
Face aux pouvoirs en place, n’est-ce pas en partant du terrain, du local, de la cité que nous avons la chance de pouvoir écrire une « histoire » pour (presque) tous ? Une histoire, faite de respect, d’écoute, d’union des forces de chacun… Une histoire à partir d’un projet partagé. Une histoire pour faire des individus de « plein exercice », dans un microcosme comme dans un monde et sur la planète où il pourrait faire « bon vivre », grâce à l’entraide et à l’interdépendance qui libèrent et exigent à la fois. Exercice difficile, engageant, mais tellement porteur de sens, de perspectives et d’espoirs que le jeu en vaut la chandelle. D’ailleurs, a-t-on vraiment le choix ?
Pensons à l’Histoire et à nos Morts… et à tous ceux dont la vie a été gâchée par l’aveuglement et le sectarisme.
Jean-Louis Virat