Des politologues et philosophes étrangers
(Allemands et Scandinaves notamment) se livrent à une analyse pointant
les dangers qui menacent notre civilisation du fait de l'ingérence, de
plus en plus prégnante, de l'intelligence artificielle (IA). L'ouvrage
tombe à pic au moment ou M. Zuckerberg et E. Musk s'opposent sur ce
thème. E. Musk, que l'on ne peut pas taxer de ringard, tire la sonnette
d'alarme estimant que l'IA menace notre civilisation et qu'il est urgent
de mettre en oeuvre une régulation préventive et proactive de cette
technologie.
De fait, nous sommes en pleine actualité
nationale, au moment où une enquête du JDD se penche sur la question du
"vote sous influence" et/ou, des militants s'insurgent contre le déficit
de démocratie interne de leur mouvement. Actualité encore quand un
grand nombre de citoyens s'interrogent sur la force et la légitimité
d'un recours
aux ordonnances quand il s'agit de toucher au Code du travail.
Actualité toujours quand la représentation nationale se sent dépossédée
des vrais choix au profit d'une technostructure administrative choisie
et non élue.
Convenons qu'il s'agit là d'une vraie
question, que la loi de moralisation de la démocratie devrait pointer.
Sommes-nous prêts à considérer le citoyen comme un client qu'il convient
de séduire après avoir identifié ses attentes et les moteurs de ses
choix, avec l'aide de moteurs de recherches et de données stockées chez
des tiers du genre GAFA ?
C'est à l'évidence, l'orientation prise quand
on sait les méthodes mises en oeuvre lors des dernières consultations
électorales. Il s'est agi à cette occasion de bien cerner les
particularismes locaux et les typologies de comportements et de
consommation du citoyen électeur dans chacune des circonscriptions pour
adapter le message en conséquence et y donner aux "représentants de
terrain" les bons mots et les bonnes images à servir. On connaît la
suite, une grande partie de ces représentants a été élue à l'Assemblée
nationale, faisant de celle-ci une sorte d'association de consommateurs,
inféodée aux spécialistes du markéting qui ont conçu et packagé les
produits à faire avaler.
Ce constat peut ne pas être partagé, mais il
faut admettre que nous sommes loin d'Aristote ou de R. Boudon qui rêvait
d'un citoyen impartial élu pour prendre les bonnes mesures. Comme le
souligne avec justesse le livre évoqué supra, cette dérive n'est pas
neutre. Elle va faire, à terme, de chaque individu, une donnée numérisée
qui pourra être influencée ou manipulée par des algorithmes, prompts à
identifier faiblesses et appétences.
Le lecteur me dira qu'ainsi va le monde et
qu'il est rétrograde de vouloir en museler la marche. Sans doute, mais
encore faut-il que le plus grand nombre soit conscient de la tendance et
l'accepte sans équivoque. À cet égard, il faut avoir lu les travaux de
G. King, l'un des papes des sciences sociales pilotées par algorithmes
pour se convaincre des dangers. En effet, au train où vont les choses,
les apprentis sorciers vont devoir accepter une IA autonome qui
apprendra seule et dont la connaissance et la perception du monde
passeront par des sentiers que l'humain ignore et qui peuvent nous être
fatals.
Une telle hypothèse ne relève pas de la
fiction et commande de toute urgence une réflexion nationale. Dès
l'instant où certains ont mis le doigt dans l'engrenage pour servir
leurs ambitions électorales personnelles, en foulant au pied l'esprit de
la vraie démocratie et du cadre constitutionnel, il faut prendre acte,
en parler et revoir les règles du jeu démocratique !
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