mercredi 30 avril 2008

OGM : pour quoi faire ?

En adoptant un projet de loi qui vise à « clarifier les conditions de mise en culture des OGM et leur coexistence avec les autres productions », nos parlementaires éludent complètement la question du sens. Or, pour moi, cette question est essentielle. Comme sur d'autres sujets, on engage des discussions et des lois sur des moyens avant même d'avoir débattu des finalités, de s'être fixé un cap, un objectif de développement humain sur 10, 15 ou 20 ans. C'est mettre la charrue avant les boeufs...

Alors, je pose la question : à l'heure où de nombreux pays sont touchés par une crise alimentaire grave, provoquant émeutes, mort, maladie et régression sociale (acculés par la pauvreté, de nombreux parents contraignent leurs enfants de ne plus se rendre à l'école pour travailler à leurs côtés), les OGM sont-ils, oui ou non, une solution au problème de la faim et une réponse à l'immense défi posé par l'explosion démographique planétaire ?

A quoi et à qui servent-ils ?

Je ne vais pas y répondre. Je souhaite simplement lancer le débat, le premier qui, à mes yeux, aurait dû avoir lieu. Je ne répondrai pas à la question posée, mais je voudrais la compléter de quelques points de repère : 70% de ceux qui souffrent de la faim dans le monde vivent en milieu rural. C'est l'agriculture familiale à petite échelle qui fait vivre la moitié de la population mondiale. Aujourd'hui, les petites exploitations agricoles subissent de plein fouet la concurrence des grands producteurs industrialisés, ayant un niveau de rendement sans commune mesure, et bénéficiant de subventions. Bon nombre de petits agriculteurs n'arrivent plus eux-mêmes à vivre de leur exploitation et fuient vers les bidons-villes...

J'ai cru comprendre qu'un des intérêts des OGM est d'améliorer le rendement des cultures intensives. C'est peut-être inexact ou incomplet. Je pose en tout cas les questions suivantes : les OGM concernent-ils vraiment les petits producteurs des pays en développement ? Si oui, ces derniers ne deviendraient-ils pas dépendants de nouveaux fournisseurs et d'un nouveau « business model » les obligeant à acheter des semences entières à chaque saison nouvelle, ne pouvant utiliser les semences de la récolte précédente ?

Devraient-ils utiliser de nouveaux pesticides ?

C'est d'abord et avant tout la pauvreté qui fait souffrir de faim 850 millions de personnes et de malnutrition 2 milliards de personnes. Alors comment faire pour les aider à sortir de la misère ? Pour favoriser le développement des pays pauvres, et notamment l'essor de leurs filières agricoles ? Pour leur garantir une souveraineté et une sécurité alimentaires ?

Les OGM sont-ils une réponse ?

D'autre part, nos modes de consommation et les problèmes énergétiques et environnementaux contribuent à réduire les réserves alimentaires mondiales (au plus bas depuis 25 ans selon la FAO), provoquant une hausse des prix des denrées alimentaires et, in fine, un appauvrissement plus fort encore des populations. Par exemple, une consommation accrue de viande, tant par nos habitudes alimentaires que par l'émergence de classes moyennes en Chine et en Inde, génère davantage de besoins en céréales. Un recours irraisonné aux agrocarburants s'est fortement développé pour faire face à la montée des prix du pétrole. Les changements climatiques multiplient les risques d'innondation ou de sécheresse.

Là aussi, les OGM sont-ils une solution à ces problèmes de fond ?

Lorsque nous aurons suffisamment avancé sur la question du sens et de la finalité des OGM au regard de ces grands enjeux, nous pourrons alors débattre de leurs effets induits sur notre santé : la recherche scientifique a-t-elle acquis suffisamment de connaissances à ce sujet, permettant d'en envisager la culture et la commercialisation ?

Et puis, une fois cette dernière question traitée, nous pourrons aborder les questions de libre concurrence et de libre consommation : de quels moyens fiables dispose-t-on aujourd'hui en termes de traçabilité et « d'étanchéité » pour garantir le libre choix de produire et de consommer des aliments OGM ou « non-OGM » ? Même si l'homme parvient à définir et repérer la frontière entre un champ OGM et « non-OGM », comment expliquera-t-on cette frontière aux abeilles ?

Cela fait beaucoup de questions...!

Certaines peuvent paraître naïves, d'autres plus profondes. Je crois que, pour être acteurs de notre destin, nous ne devons pas seulement lire ou nous informer. Nous devons aussi prendre du recul et nous poser certaines questions. Se détacher un moment de la course folle et aveugle dans laquelle on nous entraine apporte une bouffée d'oxygène. Alors prenons un instant ce bol d'air ensemble. Faites part de vos pensées et remarques sur le sujet. Partagez vos lectures et connaissances acquises. Posez de nouvelles questions !

Susciter le débat, l'éveil, l'échange : c'est aussi cela Libr'acteurs !


Lionel LACASSAGNE

Sources et bibliographie

Le Sénat : PROJET DE LOI RELATIF AUX ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
Assemblée Nationale : PROJET DE LOI MODIFIÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE, relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Amendement 252 (André CHASSAIGNE)
Appel du comité 252

Crédit image
Max Havelaar
FAO

3 commentaires:

  1. Votre article est de tout premier interêt, dans la mesure ou il émane, à l'évidence d'un non spécialiste.Cette démarche que vous replacez au coeur de la philosophie de votre mouvement "être acteur de son destin" est a mon sens la bonne.un citoyen qui réfléchit comme vous le faite pose en toute liberté des questions de simple bon sens.Les votres le sont merci.

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  2. effectivement cet article est amusant car il pose les bonnes questions.Vous devriez vous rapprocher de NKM, qui se débat avec les OGM d'abord et ensuite avec sa non démission du Conseil régional.Elle vient de fairepreuve d'un beau courage en répondant par téléphone a un rédacteur d'AGORAVOX.

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  3. Le courage de NKM n'a ps duré bien longtemps, elle vient de se ranger sagement là ou on lui a dzemandé de se ranger!

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