jeudi 29 mai 2014

DÉMOCRATIE ET COMPLEXITÉ !


Nous voudrions revenir ici, toute révérence gardée, sur l'interview d'Edgar MORIN publié ce jour et portant sur le management de la complexité, prélude au U.S.I (Unexpected Sources of Inspiration) des 16 et 17 juin prochain à PARIS. Nous invitons instamment, les dirigeants politiques de ce pays à s'y rendre!!

Pour avoir été, dés les années 60, via le scoutisme, sensibilisé à la conscience de la terre, au respect du vivant et de la nature, nous sommes frappés par cet acharnement du politique à ne pas vouloir voir et entendre les réalités, et à nous conduire au résultat de ce 25 mai !

Avec d'autres, nous avons forgé dés les années 70, le concept de management basé sur "l'écologie des collaborateurs". Nous l'avons systématiquement appliqué dans nos managements publics, privés ou au sein du tiers secteur, et promotionné, dans nos interventions sur les formes alternatives d'entreprises, ou les formations en VAE (valorisation des acquis de l'expérience).
Principe simple, une entreprise dans quelque secteur que ce soit, doit prendre en compte l'équilibre du collaborateur et de sa famille, pour juger de l'impact de sa décision. Le bon manager doit s'attacher à choisir à l'aune de cette obligation, et prendre ainsi la meilleure décision.
Nous avons vite compris que cette démarche de simple bon sens devait être inculquée aux décideurs publiques. C'est ce qui nous a conduit à plaider de longue date pour pour l' ECOLOGIE DU CITOYEN, et à créer une association pour convaincre les élus de l'utilité de cette démarche !

Force est de constater que nous avons prêché dans le désert et que nous sommes très loin du compte, ce qui explique la lente dégradation de notre démocratie traduite en abstentions ou en votes protestataires.
La complexité dont parle E MORIN, donnée préalable à analyser pour innover, ne peut se satisfaire d'élus prisonniers de leurs castes, de leurs consanguinités, et de leurs grilles de lectures stéréotypées.

L'écologie du citoyen implique selon nous, de comprendre la complexité des attentes, des besoins, des particularismes et de bien percevoir les interactions entre les acteurs. Il faut donc au niveau politique disposer de méthodologies alternatives pour innover et avancer. 
L'ECOLOGIE de l' ACTION est indispensable en entreprise, car une mauvaise décision peut se retourner contre l'entreprise ou le manager. Convenez que c'est autrement plus grave, quand par absence d'écologie de l'action une mauvaise décision se retourne contre les citoyens et les générations futures.
C'est pourtant ce qui arrive depuis des lustres, par le clivage partisan et binaire qui se résume à la lecture géométrique que nous dénonçons. Raisonner entre le gentil et le méchant, entre le bon et le mauvais, en le conservateur et le progressiste, laisse le champ libre à toutes les outrances, et donne à des idéologies, l'aspect d'une innovation alternative.

Fort heureusement, en dépit du brouhaha organisé par les partis dits de gouvernement, avec l'onction des grands médias et l'impuissance du CSA, des mouvements citoyens se lèvent et vont prendre rang dans un avenir proche.
Il reste à souhaiter que ces mouvements aient la sagesse de se regrouper, pour mutualiser les talents et les forces. Il appartiendra aux citoyen d'y veiller avec nous.
C'est en tout cas l’une des missions que LIBR'ACTEURS va se fixer dans les mois à venir, sans ostracisme, sans œillères, et sans faiblesse !

R HASSELMANN


lundi 12 mai 2014

Stages en entreprise pour les élus, est-ce suffisant ?

LIBR'ACTEURS va finir par faire entendre raison, pour régénerer notre démocratie, pour preuve les voix qui nous rejoignent pour que l'élu connaisse l'entreprise. Occasion de donner la parole à l'une de nos membres, experte en la matière et pilote de nos propositions dans ces domaines.

Cela fait  20 ans que  je dis et écris  que l’employabilité s’acquiert à l’école. Tous les acteurs que j’ai rencontrés, parents d’élèves, enseignants, fonctionnaires des  collectivités territoriales, élus, m’ont parfois accordé une écoute bienveillante, mais le plus souvent répondu que ce n’était pas l’urgence du moment. Mon expérience de 8 000 stages organisés m’a renforcé dans cette conviction.
Il semble que nous commençons à changer de logiciel si l’on en croit le nombre d’articles de presse qui relatent une proposition faite aux élus de la nation, par une association Entreprise et Progrès présidée par Denis TERRIEN, de passer une semaine dans une entreprise pendant les vacances parlementaires pour effectuer un stage. L’initiative baptisée «Moi parlementaire une semaine dans les pas d’un PDG» repose sur une réalité que personne ne conteste : "Notre constat est que les députés français connaissent peu l'entreprise et nous pensons que, s'ils la connaissaient mieux, ils seraient plus en confiance pour légiférer""90% des députés ne connaissent pas le monde privé et doivent passer des lois sur l’entreprise privée"…. "Imaginez qu’on demande à des dirigeants d’entreprise de passer des lois sur le droit de vote, ou sur les circonscriptions : je ne pense pas que ça soit les meilleures lois".
Ça va sans dire mais ça va encore mieux en le disant. Est-il raisonnable de confier de tels pouvoirs à des personnes qui ne connaissent pas les sujets dont elles auront à traiter ? Accepterait-on que les enseignants ne connaissent  pas les programmes dont ils ont  la charge ? … et malgré cela  les classements de la France en matière d’éducation posent question. Accepterait-on qu’un médecin n’ait pas fait les études nécessaires à l’exercice de sa profession ? …. et une enquête du magazine topsanté montre que beaucoup d’entre eux ne connaissent pas les effets indésirables des molécules qu’ils prescrivent, ce qui provoquerait 18 000 décès par an pour prise injustifiée de médicaments. Plus modestement, un Président d’association bénévole peut être poursuivi pour faute de gestion.
Que dire lorsqu’il s’agit d’élus qui gèrent des sommes considérables et ont la charge de décisions qui engagent la collectivité pour plusieurs années et parfois plusieurs décennies. Élue moi-même pendant 18 ans au sein d’un conseil municipal, je ne cache pas que j’ai appris « sur le tas » à lire et voter  un budget ou à prendre des décisions en matière d’urbanisme….
La question que pose en filigrane l’association Entreprise et Progrès n’est pas anodine : les élus peuvent-ils exercer correctement un mandat s’ils n’ont pas un minimum de connaissances ? Un stage d’une semaine, c’est peu et certainement  pas assez, mais c’est un début de réflexion sur la nécessaire formation dont ils ont besoin. La légitimité des urnes ne remplace pas la compétence et si nous ne changeons rien, la démocratie ne sera bientôt plus qu’une course à l’échalote où il suffit de promettre pour gouverner et de savoir naviguer pour durer.
Depuis plusieurs années, je propose que l’on crée pour les candidats à une élection des cursus courts ouverts à tous sur présentation d’un dossier sérieux et que l’on décerne à la fin un certificat d’aptitude, au même titre que l’on délivre le permis de conduire ou un brevet de secouriste. Cette formation pourrait être envisagée en remplacement du  service militaire par un service civique qui se ferait, en alternance  pour les jeunes, ou a posteriori pour les plus âgés qui demanderaient à bénéficier du DIF  le droit à la formation.
Je ne prétends pas que cela réglerait tout, mais ça éviterait aux élus d’avoir recours systématiquement à des experts ou de céder à des lobbys très performants qui sont devenus les vrais décideurs dans de nombreux domaines.

Colette GISSINGER

jeudi 8 mai 2014

LES INDIFFERENTS !



Dans moins d'un mois les électeurs Européens auront voté! En France tous les indicateurs prédisent une abstention record, ou un vote protestataire de rejet des réalités. Avec LIBR'ACTEURS, depuis des années nous nous efforçons de rendre le citoyen acteur de son destin. Au même titre que nous nous référons a Aristote "chaque citoyen doit être tour a tour gouvernant et gouverné", empruntons a GRAMSCI !


Empruntons effectivement à Antonio GRAMSCI, et à sa "CITE FUTURE" (1917), un titre d'une brulante actualité : LES INDIFFÉRENTS !

Dés l'instant où l'abstention ou le vote blanc ne sont pas pris en compte et ne se traduisent pas par des élus, ils sont indifférents, et ne pèsent pas. Ces attitudes passives, contrairement à ce que l'on croit marquent l'histoire en laissant l'initiative à des petits groupes qui profitent de l'absentéisme, de l'indifférence, pour tisser leur toile dans l'ombre.

Ainsi et GRAMSCI le montre bien, les destins de génération sont manipulés et orientés, par les visions restreintes, les ambitions et intérêts de petits groupes actifs, que le plus grand nombre ignore car il ne s'en préoccupe pas.

Le 25 mai prochain, il est impératif que l'électeur se mobilise pour exprimer un choix, lucide et responsable. A défaut il sera inutile de venir se plaindre, en "pleurnichant" sur le thème de l'innocent irresponsable. L’indifférent sera responsable et coupable, car il n'aura pas utilisé le poids de son vote, pour construire intelligemment l'Europe de demain.

Cet éclairage m'est suggéré après avoir suivi la saga liée à l'accord de libre échange entre l'UE et les USA, confortant celui en gestation avec le CANADA. Il faut avoir entendu l'impayable Karel de GUCHT, commissaire européen au Commerce, pour comprendre en quoi le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), venant après l'AECG (Accord économique et Commercial Global) avec le CANADA, sont autant de chevaux de Troie qui vident de sens l'essence même de la communauté Européenne.

L'indifférent, ne se positionnera pas sur cette question, comme il ignorera les questions qui ont trait aux limites de l'espace Schengen, à la gestion de l'€, ou , tout simplement à l'architecture institutionnelle de l'UE, à revoir d'urgence dans le sens d'une meilleure lisibilité démocratique.

GRAMSCI, malheureusement récupéré par une gauche anarcho- libertaire, écrit :" Qui vit véritablement ne peut pas ne pas être citoyen, ni prendre parti. L’indifférence est l'aboulie, le parasitisme et la lâcheté.." !

Puisse l'électeur et les jeunes en particulier s'en souvenir le 25 Mai, pour étudier les programmes proposés, débusquer les impostures populistes et donner mandat à ceux qui, libres de toute contrainte partisane, posent les bonnes questions pour envisager les bonnes réponses.

R HASSELMANN.


lundi 5 mai 2014

Front Républicain : une vue de l’Esprit




Nous avons entendu de la part de nombreux Hommes et Femmes politiques, l’appel au front républicain pour faire barrage au Front national et à ses idées.
Cette idée a fait un véritable FLOP !!!!, Alors pourquoi ?
  • L’élection présidentielle de 2002 avec la présence de JM Le Pen au second tour a fait prendre conscience à la population et surtout à la classe politique qu’il risquait de perdre beaucoup dans cette affaire et que la France serait mise à mal. Réaction saine de la population et des politiques qui ont fait élire J. Chirac.
La présence de JM Le Pen n’était pas le fruit du hasard, mais plutôt la présence d’une contestation silencieuse, le mécontentement d’une partie des Français se détournant des partis traditionnels déjà « hors du coup »
L’électorat et une partie de la classe politique auraient voulu que le président élu à cette époque saisisse cette opportunité pour gouverner en consensus et faire les réformes nécessaires pour la France. On sait ce qui s’est passé.

L’élection de N. Sarkozy a levé cette contestation silencieuse car le dynamisme et l’allant du Président avait convaincu la population qu’il mènerait les réformes nécessaires. Encore une fois, il s’est arrêté au milieu du guet.
  • Ces séquences passées, on se rend compte que sur le fond, rien n’a été fait, que la crise a mis l’économie Française au pied du mur ou du précipice et a mis en exergue l’incapacité des politiques à apporter des solutions, à prévoir et à accompagner le changement et leur vison court-termiste et auto centrée.
Il était alors, prévisible que la contestation silencieuse grandirait et que l’offre politique restait inchangée : l’UMP – PS comme des acteurs vieillissants, EELV – PC – Front de Gauche n’étant que contestataire et sans solution crédible, Le MODEM (dont le diagnostic était juste) s’est noyé en 2007 pour des questions d’ego personnel. Ne reste alors que le FN avec ses solutions tout aussi peu crédibles et pas viables.
Mais le FN a su mettre en lumière les incohérences, les erreurs de gestions, l’incompétence, la main mise sur les décisions, les conflits d’intérêts des partis existants, principalement l’UMP et le PS.
  • Face à cette mise en cause grave, sérieuse, à ces dysfonctionnements répétées et dénoncées, les partis en présence n’ont pas agi. A part des discours sur une politique exemplaire, une république irréprochable, une présidence « normale », le naturel est revenu au galop !!
Les récentes affaires (Morel, Cahuzac, Sarkozy, …) montrent encore une fois le décalage entre les paroles et les actes, que c’en est de trop. La population l’a bien compris et cherche des voies alternatives crédibles, censées qui ne pourraient venir que de la Société Civile.

  • Quand des maires battus par le FN, disent qu’ils vont mettre la nouvelle municipalité sous surveillance alors que ces même maires ont « plombé » les comptes de leurs villes par des déficits abyssaux, de l’endettement de masse, un népotisme visible, cela relève de la blague du siècle et montre bien que les politiques en place sont « hors-jeu » et ont quelques trains voire des TGV de retard.

Comment alors dans ces conditions, demander aux électeurs de faire un front républicain pour faire barrage au FN. La société civile n’a d’autre choix que d’aller à la pêche, à la chasse, de voter blanc ou de prendre elle-même le destin de son pays en mains.
Pour ne plus avoir à faire appel au front républicain, Plus qu’un sursaut de la classe politique, il faut aujourd’hui un renouvellement majeur, profond et une prise de conscience que le bien public est à la nation et que les Hommes et les Femmes élus en sont les détenteurs à temps limité et portent une responsabilité importante.
Nous devons proposer à nos concitoyens des solutions crédibles et de bon sens :

  • Développer et partager une vision à court Moyen et long terme au niveau local, national, européen pour notre pays et son économie.
  • Comme dans toute entreprise, tout projet, former les nouveaux entrants qui prennent une responsabilité élective.
  • Redonner à ceux qui sont déjà en place des formations de remises à niveau. Le monde économique change vite, les techniques de gestion et de management évoluent rapidement également.
  • Définir un statut de l’Élu, pour permettre à chacun de servir le pays dans un temps limité et permettre ainsi de renouveler régulièrement la classe politique
  • Rendre responsable les élus qui gaspillent l’argent public, qui font des erreurs de gestion ou qui mettent leur commune en faillite.
  • Remettre l’éthique et les valeurs au centre des décisions
  • …..

Les récents sondages montrant que le FN peut arriver à des scores hauts, au second tour d’une élection présidentielle, n’est pas le fruit du hasard, mais bien la conséquence de l’incapacité et de la non volonté de la classe politique actuelle et dans son ensemble de vouloir prendre les décisions politiques nécessaires (en terme de structure et d’organisation) en y associant le peuple.
L’intérêt personnel est encore trop supérieur à l’intérêt Général.
Face à cette situation, une reprise en main par la classe politique et la société civile est indispensable et vitale.

Franck. NOURMAMODE


Crédit image : Iphilo.fr

vendredi 11 avril 2014

Se suicider, n'est plus un verbe essentiellement pronominal

  
Référence initiale : Lettre du CEERE avril 2014

 Au rang des grandes questions sociétales, celle de la fin de vie, LIBR'ACTEURS donne ici à lire et à réfléchir avec une analyse, qui, à bien y regarder, interroge le libre arbitre, et par conséquent l'exercice de la démocratie.


Se suicider, n’est plus un verbe essentiellement pronominal.

La conférence de citoyens organisée le 13 décembre 2013 à Paris par le CCNE sur la fin de vie à fait surgir de l’inattendu dans le débat sur le suicide assisté : se suicider ne serait plus un verbe essentiellement pronominal. 
En français, ces verbes ne peuvent se construire qu’avec un pronom réfléchi signifiant que l'action qu’ils définissent est exercée par le sujet sur lui-même. Ils n’ont de ce fait pas de forme passive. Ainsi, on peut s’évader ou s’évanouir mais on ne peut pas « évader » ou « évanouir » quelqu’un. 
Se suicider fait partie des verbes essentiellement pronominaux, mais à un tel degré qu’il l’est deux fois en raison d’un pléonasme qui s’est glissé lors de sa création. D’après ses racines latines « sui » soi-même et « caedere » tuer, le verbe signifie, par sa structure même, que c’est « soi » qui agit contre « soi » pour donner la mort. Pour le dictionnaire Littré « Suicide équivaut à soi-meurtre ; se suicider équivaut donc à se soi-meurtrir. » Or, voilà que ce verbe obstinément pronominal, est l’objet d’une subversion grammaticale opérée par 12 des 18 membres de la conférence de citoyens. Selon eux, Le suicide médicalement assisté existe dès lors que la volonté de mourir a été exprimée par la personne (volonté attestée médicalement, assistance et administration ou non par un tiers.) Ils précisent :  Nous distinguons dès lors deux possibilités : les personnes en capacité de réaliser cet acte et celles qui ont besoin d’une assistance. 
Ainsi, la mort donnée par un tiers à une personne atteinte d’une maladie incurable qui en pleine conscience a manifesté la volonté de mourir, ne serait plus l’euthanasie comme définie aux Pays Bas, mais un suicide assisté. Il serait désormais possible de « suicider » quelqu’un, admettant par là que l’action contre « soi » ne serait plus faite par « soi ». Pourtant, en juin 2013, le CCNE dans l’avis N° 121 estimait à propos de l’assistance au suicide que cette légalisation n’est pas souhaitable. Mais il n’avait pas c’est vrai, opéré la subversion grammaticale. Ce qui a amené le groupe de citoyens à dénaturer le verbe se suicider repose, semble-t-il, sur le fait qu’une demande volontaire de mort équivaut, selon eux, à un suicide quel que soit le mode opératoire. Ainsi est placée au-dessus de tout, la volonté qui donne à la personne la faculté d'exercer un choix libre guidé par la raison, dans la visée d’une fin désirée. Cette prise de position participe du respect de l’autonomie de la personne, pierre angulaire de la relation-médecin malade contemporaine. 
Toutefois, sans remettre en question la primauté de l’autonomie, on peut se demander si dans leur réflexion, les citoyens ont pris en compte le fait que l’expression d’une volonté n’est pas un acte et s’ils ne confondent pas dire et faire. Un sujet qui dit « je veux mourir » n’est pas toujours un sujet qui se tue. Par ailleurs, ils ont sous-estimé les conséquences humaines et sociétales de leur posture. Sur la personne du médecin tout d’abord qui, n’agissant plus selon sa volonté propre, devient l’instrument de la volonté d’autrui. Dans la proposition nouvelle, le médecin dont la mission historique est de soulager la souffrance et de protéger la vie, se trouve face à l’injonction de donner la mort. L’avis N° 21 réaffirmait pourtant il y a peu de temps le maintien de l’interdiction faite aux médecins de  « provoquer délibérément la mort» protège les personnes en fin de vie […] il serait dangereux pour la société que des médecins puissent participer à « donner la mort. »  
Il faudra bien des ressources au médecin pour faire tenir ensemble cette contradiction quand il lui sera demandé d’être « suicideur ». Il pourra peut être ne pas se poser trop de questions au nom de ce qu’il nommera compassion. Il pourra aussi être soutenu dans son rôle par l’idée que véhicule en elle-même la subversion grammaticale qui conduit au verbe « suicider ». En effet, elle le dédouane de l’acte mortifère car, même s’il injecte la substance létale, il pourrait se convaincre, en conscience, que ce n’est pas lui qui donne la mort mais bien la « volonté » de la personne malade qui agit. Il donnerait la mort sans être l’auteur de la mise à mort ce qui pourrait contribuer à banaliser l’acte. 
 La subversion grammaticale n’est pas non plus anodine pour la personne malade elle-même. Le fait que le suicide qu’elle demande soit exécuté par un tiers peut obérer une part de sa liberté. Dans le suicide assisté « classique », la personne libre, peut in extremis ne pas passer à l’acte. En Oregon, plus de 30% des personnes disposant d’une substance létale prescrite conformément à la loi sur le suicide assisté, ne l’utilise pas. Qu’en serait-il si un tiers est l’exécuteur ? 
Les membres de la conférence de citoyens semblent troublés par cette idée quand ils rédigent Pour autant nous insistons sur la nécessaire vigilance à apporter dans les cas où le suicide médicalement assisté concernerait des personnes n’étant pas en capacité de réaliser le geste par elles-mêmes afin de prévenir toute dérive. 
 Mais la subversion grammaticale a peut-être un autre mobile : intégrer dans le suicide assisté l’acte d’euthanasie tel que défini au Pays Bas et ainsi libérer le mot euthanasie. Il peut alors être utilisé pour qualifier la mort donnée à une personne en fin de vie hors de sa demande. C’est ce que font les membres de la conférence citoyenne qui entendent par euthanasie le cas d’une mort médicalement assistée sans qu’il ait été possible d’obtenir le consentement direct de la personne. Position périlleuse tenue par le groupe au regard du code pénal français selon lequel « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre ». 
Or il n’était pas utile d’en arriver là dans la mesure où le CCNE dans l’avis N°121 préconise le respect du droit de la personne en fin de vie à une sédation profonde jusqu’au décès si elle en fait la demande, lorsque les traitements, voire l’alimentation et l’hydratation, ont été interrompus à sa demande. Si cette subversion grammaticale est validée, elle pourra faire jurisprudence. 
Un apprenti despote voulant se faire élire démocratiquement pourra « désister » ses adversaires politiques et « abstenir » les électeurs rétifs. Torturer la grammaire et le sens des mots pour servir une cause n’est jamais anodin, les régimes autoritaires l’ont montré. Les citoyens de la conférence du 13 décembre s’y sont essayé sans que l’on sache vraiment à qui ceci peut profiter. Il n’est pas utile de recourir à une subversion grammaticale dans un domaine où l’arsenal législatif, les différents avis et rapports en matière de fin de vie peuvent parfaitement être opérants. Il faut pour cela que la loi Leonetti, le rapport Sicard et l’avis N° 121 du CCNE soient connus, respectés et appliqués sans qu’il soit nécessaire de rajouter des lois aux lois. 
L’existant peut assurer à la personne une fin de vie honorable, sans bafouer ce qui fait société. Pour le dictionnaire Littré « se suicider » est un barbarisme. Que dire alors de « suicider quelqu’un » ?


Michel HASSELMANN

Médecin, Professeur de Réanimation Médicale – Université de Strasbourg
Directeur de l’Espace de Réflexion Ethique Région Alsace


vendredi 28 mars 2014

2 géants et 1 nain

En ces temps incertains, tendus et compliqués, nous assistons à la fois à un Anschluss « Sauce Poutine », à une réaction timide de l’Europe et les Américains qui suivent cela et mène le tempo de la réponse et de la riposte.
Tout cela met en évidence les points suivants :

1- L’incapacité de l’Europe à peser sur les événements importants et graves. Nous n’assistons plus qu’à des gesticulations et des vociférations. In Fine, V. Poutine continue de dérouler son schéma de retour à la Grande Russie, passant outre les conventions internationales, le droit des peuples et mettant en péril son économie déjà fragile et peu modernisée.

2- La trop grande dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie qui empêche cette liberté de manœuvre et de propos. La crainte majeure étant de voir les Russes bloquer leurs approvisionnements de Gaz et de pétrole ou d’en augmenter fortement les prix, ce qui mettrait en péril les économies des pays européens déjà affaiblies par la crise financière et structurelle.

3- L’absence de vision, de politique étrangère et de défense fait cruellement défaut. Entre le dialogue permanent, infructueux, entre Angela Merkel et Vladimir Poutine, des actions diplomatiques des autres pays et la menace de sanctions sont les seules actions que l’Europe est capable de faire.

Tout résulte que l’Europe n’est qu’une Grande zone Économique, stable et prospère. Elle se veut influente et veut peser sur les événements du Monde, montrer une direction, tenir tête , mais elle ne l’est pas et ne le peut pas.
En effet, les pays de l’UE n’arrive pas à avoir de vision politique, diplomatique, militaire, de défense commune – comment est ce possible à 28 ?-
Les pays de l’UE issus de l’ancien Bloc Soviétique, les pays à culture Anglo saxonne, les pays du Scandinaves, le bloc Allemand et la France n’ont pas les mêmes visions, les mêmes intérêts. Comment alors parler d’une voix commune, haut et fort et en se faisant respecter ?
La trop grande dépendance vis-à-vis des États Unis est également un élément bloquant. Pourquoi vouloir protester contre les Russes, imposer des sanctions économiques, alors l’invasion de l’Irak par les USA, illégale, basée sur des mensonges proférées devant le conseil de securité de l’ONU, a apporté un soutien de certains pays de l’UE et une réaction contre menée par la France. En fin de compte, pas de sanction, on a laissé faire.
V. Poutine en fait de même. Qu’on le veuille ou non la Crimée sera Russe.
Alors prendre les armes et faire la guerre ? contre un ennemi lointain et faible et au nom de valeurs, oui, mais contre les Russes qui sont si près de nous, de qui nous dépendons en énergie et qui ont l’arme atomique, c’est non. Quels moyens humains, militaires et financiers avons-nous seuls ? Aurons nous l’appui des USA, déjà très challengés en Afghanistan et en Irak ? Nos économies sont exsangues, nos déficits abyssaux et nos budgets militaires sont en baisse.

Le monde développé a fait le choix du social, du développement économie, de l’entraide et de la paix. Pour autant il faut se donner les moyens de nos ambitions, qui passent par :

Mettre en place, une politique diplomatique commune forte avec une vision claire, et cela ne peut se faire que dans une Europe politique et limitée à quelques pays
Organiser une Armée Européenne, un OTAN de l’UE, pour mutualiser les coûts, les moyens, les compétences et l’efficacité.
Avoir une politique d’indépendance énergétique avec un mix qui donnerait la grande à l’énergie décarbonnée et qui nous rendrait moins dépendant des autres.
Développer un nouveau modèle de développement et de croissance, pour ne plus etre un suiveur mais un leader
L’Europe est un continent sans ressources énergétiques fossiles et sans matière première. Nous devons donc créer notre indépendance en utilisant notre ressource intellectuelle (compétences et intelligences)
L’Europe est une Puissance économique Forte, prospère et démocratique. Elle est enviée et copiée par tout le monde.

Nous arrivons à la croisée des chemins où l’Europe doit prendre son destin en main, doit avoir les outils pour assurer la sécurité de son territoire et enfin de grandir en étant un partenaire à part entière des USA e des autres puissances.

Les Élections qui arrivent sont une occasion de reprendre la main et de faire de l’Europe la puissance qu’elle doit être et ne plus être et se comporter en « nain » politique et économique

F.NOURMAMODE

Crédit image : Jack le chasseur de géants - Bryan Singer

mercredi 19 mars 2014

Enfumage !


Bossuet disait : "Dieu se rit de ceux qui se plaignent des effets dont ils chérissent les causes !".
Ce constat trouve toute son actualité. Déclinable aujourd'hui en de très nombreux domaines, l'un en particulier mérite réflexion, car il trahit cette malheureuse propension "franchouillarde" à penser que nous avons raison contre le monde entier, et à foncer vers le précipice en klaxonnant !

Aucun citoyen de ce beau pays n'aura échappé aux images d'un ciel grisâtre, et d'un soleil voilé. Aucun citoyen n'aura échappé aux diagnostics des "Diafoirus" sur les causes, les symptômes et les remèdes, face à une pollution, rarement atteinte depuis de longues années, mais dont tout permet de penser que la récurrence sera désormais assez fréquente.

Certains citoyens, auront vu ou entendu, des lanceurs d'alertes, comme C. Lepage, experte égarée en politique, souligner qu'une loi sur l'air existe depuis près de 20 ans, et qu'il eut suffit déjà d'appliquer la loi pour ne pas en arriver là. Mais me direz-vous, où en sommes-nous arrivés ?

Nous en sommes arrivés à ce formidable paradoxe de voir une activité, un produit, néfaste à la santé publique, le diesel, être à la fois subventionné directement et indirectement, et être générateur de coûts induits pour le budget de la santé, et de manque à gagner pour le budget de l'État !

Une nouvelle fois, un "champion français" contraire à l'intérêt général a été privilégié par des pouvoirs publics manipulés par des lobbies de toute nature et aveuglés par une lecture court-termiste de la gestion du bien-être citoyen.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit, le diesel a été promotionné, à l'achat des véhicules, au niveau du prix à la pompe (TIPP moindre), mais aussi au niveau du fléchage des crédits recherche, là où le moteur hybride ou thermique est resté le parent pauvre, générant de graves déficits de compétitivité pour nos constructeurs.

Voilà très rapidement brossée l'approche politico-industrielle. Il en est une autre qui me tient tout particulièrement à coeur, l'impact santé publique. La France est sans doute l'un des rares pays au monde, qui subventionne puissamment, directement et indirectement, un produit dont l'OMS reconnait qu'il a des effets sur la santé humaine, par le biais de différentes pathologies, au premier rang desquelles le cancer du poumon.

Juste un petit chiffre pour situer les enjeux, mais sans perdre de vue "l'humain", le traitement d'un cancer du poumon, sans préjuger de l'issue, s'élève à 13 000 euros, à rapprocher des 30 000 décès attribués à ce cancer et lié à la pollution de l'air.

Je n'irai pas plus loin dans l'instant, sauf à souligner qu'au moment où l'on rabote des niches, au moment où l'on se pose des questions sur notre déficit et notamment celui des comptes de la santé, il serait peut-être temps de se poser les bonnes questions.

Pour nous, l'une relève du vrai courage politique, et l'autre du simple bon sens citoyen. Cette affaire de lutte contre les pollutions, et d'harmonisation des politiques énergétiques et industrielles, montre si besoin est qu'une Europe repensée est indiscutablement l'échelon pertinent pour des mesures efficaces, gardienne de la santé des populations aujourd'hui, et soucieuse de celle des populations à naitre... cela s'appelle le développement durable.

R Hasselmann
Le Cercle Les Échos
16 mars 2014